Aline
Québec, fin des années 60, Sylvette et Anglomard accueillent leur 14ème enfant : Aline. Dans la famille Dieu, la musique est reine et quand Aline grandit on lui découvre un don, elle a une voix en or. Lorsqu’il entend cette voix, le producteur de musique Guy-Claude n’a plus qu’une idée en tête… faire d’Aline la plus grande chanteuse au monde…
l y a, dans le titre de ce film, l’amorce d’un mouvement. Celui propre à la dérivée, au sens mathématique, qui fait évoluer la fonction d’une variable et annonce que ce qui nous est donné à voir et à entendre ici joue à chat avec le réel. Ce mouvement est le propre des fantaisistes et Valérie Lemercier en est une. De haut vol. Son goût de la dérivation, dans ses spectacles, ses films (Le Derrière ou Palais Royal !, par exemple) ou son parler à la ville, nous le connaissions, mais dans Aline, son sixième long-métrage en tant que réalisatrice, elle le porte à son point d’incandescence et atteint une dimension émotionnelle et métaphysique inédite dans son travail.
Un film, inspiré de la vie de Céline Dion, intitulé Aline annonce la couleur d’une « vérité menteuse », pour voler les mots de Lacan. Un léger twist qui fait naître un personnage fictif (jusque dans sa voix chantée, qui est celle de l’épatant sosie vocal Victoria Sio) pour mieux s’emparer de la trajectoire de son modèle et de son énergie motrice. Aline est tout entier traversé par une fougue, une vitalité, une passion pour ses personnages et ses acteurs (les Québecois Danielle Fichaud, Sylvain Marcel, Roc Lafortune, Antoine Vézina et Pascale Desrochers, tous formidables) qui vous entraîne dans un tourbillon joyeux. Comme si l’immense sincérité qui caractérise Céline Dion, autant dans l’exercice de son art que dans son rapport aux médias, et son amour fou pour son mari, à qui elle s’adresse quand elle chante en public, étaient entrés en résonance profonde avec Valérie Lemercier. Comme si, outre son admiration pour la plus grande star internationale capable de remplir des stades gigantesques, l’actrice-réalisatrice avait noué avec elle une sorte de pacte subliminal et secret lui permettant d’exprimer des émotions très intimes tout en jouant la carte de la démesure et du grandiose.
Anne-Claire Cieutat, Bande à part