La Ballade de Narayama
Orin, une vieille femme des montagnes du Shinshu, atteint l'âge fatidique de soixante-dix ans. Comme le veut la coutume, elle doit se rendre sur le sommet de Narayama pour être emportée par la mort. La sagesse de la vieille femme aura d'ici-là l'occasion de se manifester.
Le film chemine ainsi, avec trivialité et détachement, vers son apothéose : l’ascension du mont Narayama, à l’occasion d’une séquence magnifique et quasiment muette – le rituel interdit de prononcer un mot. Orin, portée par son fils Tatsuhei (le formidable Ken Ogata), s’élève vers sa propre mort, dans des hauteurs escarpées envahies d’une brume automnale et spectrale.
Imamura aurait pu dénoncer facilement la barbarie du rite, mais choisit de faire naître, en son point culminant, une émotion spécifiquement humaine : Tatsuhei éprouvant le besoin d’étreindre une dernière fois sa vieille mère, au moment de l’abandonner au milieu d’un cimetière d’ossements, cerné par les corbeaux. Le rite au summum de sa cruauté (laisser mourir un aïeul dans la nature) coïncide curieusement avec l’effusion inattendue d’un sentiment. Le seul à pousser comme une fleur sauvage sur le granit insécable de la vie primitive.
Mathieu Macheret, Le Monde