Sayat Nova - la couleur de la grenade
Évocation de la vie du poète arménien Sayat Nova, dont on situe l'existence entre 1717 et 1794 en une série de plusieurs tableaux.
« Dans le temple du cinéma, il y a des images, de la lumière et de la réalité. Paradjanov était le maître de ce temple. »
-Jean-Luc Godard
En huit chapitres et sous forme de tableaux allégoriques, l’enfance, l’amour, la mort et l’œuvre de Sayat Nova, poète arménien du xviiie siècle. Lui-même arménien d’origine, peintre et poète excentrique, esprit libre, homosexuel déclaré, Serguei Paradjanov (1924-1990) avait tout pour déplaire fortement aux autorités soviétiques, qui, non contentes de l’emprisonner, l’empêchèrent, à sa libération, en 1977, de réaliser bon nombre de projets. S’il y a bien un cinéaste maudit, c’est lui. Dans Sayat Nova, véritable ovni cinématographique qui ne ressemble à rien sinon à des icônes médiévales, il fait montre d’un raffinement plastique singulier.
C’est une œuvre déroutante, aux mots rares, difficile à situer dans l’histoire du cinéma tant elle allie un minimalisme et un symbolisme qui semblent remonter à d’anciens temps. Un univers étrange entre songe et documentaire, où sont disposés avec soin reliques, tissus, nourritures terrestres et animaux pour des scènes conçues comme des rites. Des tableaux où fixité et mouvement cohabitent : aux visages hiératiques répondent des écoulements d’eau et de vin, des froissements d’étoffes, un balancement de pendule. Des clés manquent quelquefois, le poème peut sembler ésotérique. Mais cet hommage vibrant à la culture arménienne exerce une fascination peu commune.
Jacques Morice, Télérama