El Suavecito
Dans un quartier modeste de Mexico, Lupita, employée de magasin, est amoureuse de son voisin Roberto, surnommé « le doux » (« El suavecito »), un mauvais garçon irresponsable qui lui rend la vie impossible. Carlos, chauffeur de taxi honnête et travailleur, s’éprend de Lupita, et provoque la jalousie de Roberto…
En dehors du Mexique, Fernando Méndez est essentiellement connu pour trois films d’épouvante, appréciés des amateurs de cinéma bis, Les Proies du vampire (1957), Le Monstre sans visage (idem) et Mystères d’outre-tombe (1959). Pourtant, les talents de Méndez ne se réduisent pas à ceux d’un petit maître du fantastique. Réalisateur de trente-neuf longs métrages entre 1942 et 1961, Fernando Méndez est considéré comme l’un des noms les plus importants, et représentatifs, du cinéma mexicain classique. À l’instar de bon nombre de ses collègues, Méndez s’est illustré dans tous les genres populaires de la production nationale, du western au mélodrame, de la comédie musicale au polar, sans oublier bien sûr l’horreur où il a œuvré davantage que d’autres. El Suavecito figure parmi les plus grandes réussites de Méndez. Il fut même classé 38ème dans la liste des cent meilleurs films mexicains selon un panel de critiques, publiée par le magazine Somos en juillet 1994.
Le film de Mendez a beau s’inscrire dans la tradition du film noir mexicain, elle-même redevable de ses modèles hollywoodiens produits par la Warner, la caractérisation de son personnage principal, le « suavecito » du titre, se révèle extrêmement complexe et originale. Ce playboy des bas-fonds, interprété par Victor Parra, peut d’abord sembler caricatural dans son attitude et son accoutrement. Son fort accent « chilango » donne l’impression qu’il chante en parlant. Il s’habille à la mode des gigolos, avec de larges costumes crème ou rayés, un chapeau blanc et des maillots imprimés. Sa fascination pour les Etats-Unis l’incite à truffer ses phrases de locutions américaines. Paresseux, lâche et profiteur, il se fait entretenir par des femmes, de préférence les « gringas » qui fréquentent les clubs mal famés de la ville. Il se conduit comme un voyou méprisable lorsqu’il gifle une prostituée en pleine rue, ou comme un mufle lorsqu’il sifflote à la manière d’un oiseau avant d’embrasser ses conquêtes féminines. Le film dévoile aussi la part d’enfance qui persiste chez cet homme immature : ses caprices, mais aussi son attachement à sa mère ou sa gentillesse à l’égard d’une fillette dont la poupée a été cassée. Si la première partie de El suavecito oppose de manière édifiante les valeurs traditionnelles et l’exemplarité représentées par Lupita à la vie de débauche de Roberto, associé au monde de la pègre et du proxénétisme, la suite du film ne manque pas de nous surprendre. Nous découvrons une histoire d’amour fou où la passion et le désir d’une femme dépassent la raison, et conduisent un homme à trouver enfin la voie de la rédemption, au terme d’un périple au bout de la nuit, traversé par des éclairs de violence.
Olivier Père, arte