Le Repenti
En 1999, Rachid, jeune djihadiste algérien, fuit les Groupements Islamiques Armés (GIA). Après huit ans de guerre civile, le gouvernement a décrété l’amnistie pour tous les combattants qui déposent les armes. Rachid tente de retrouver une vie normale en travaillant dans un café. Mais, poursuivi par son passé et ceux qui refusent l’amnistie gouvernementale, le jeune homme timide peine à trouver ses repères. Il décide alors de contacter un pharmacien, dont le destin semble irrémédiablement lié au sien…
Dans Le Repenti, Merzak Allouache affronte le passé récent de l’Algérie. La mise en scène frontale et sans fioritures ne révèle que progressivement les enjeux du récit. Le résultat est une œuvre bouleversante liée à la mémoire d’une guerre civile traumatisante pour les victimes, qui n’acceptent pas l’impunité dont bénéficient leurs bourreaux. Tout aussi empli de compassion pour Rachid que pour ceux qui ont souffert de ses actions, la réalisation met à nu les plaies d’un pays encore non réconcilié avec lui-même. Une œuvre profondément humaniste se dessine, où le désir tenace de se forger un avenir est constamment menacé par un passé qui ne se solde jamais. Le Repenti a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes.
Algérie, de nos jours. Un jeune homme court dans la neige, tombe, se relève et reprend sa course. Rachid est un islamiste maquisard. Il regagne son village grâce à la loi de «Concorde civile», qui promet une amnistie quasi totale aux repentants qui n’ont pas de sang sur les mains. Mais rien n’est simple…
Décidément, Merzak Allouache s’y entend à brouiller les pistes. Jamais là où on l’attend ! Film après film, il tisse une œuvre protéiforme, jouant sur la grande gamme des genres. Avec Omar Gatlato (1977), son premier film, il rompt avec la tradition des récits sérieux illustrant la lutte de libération de l’Algérie. Il dresse un portrait moderne de la jeunesse algérienne, miroir d’un public qui s’y est reconnu et qui lui a réservé un accueil retentissant. Le film a battu tous le records et est resté 16 semaines à l’affiche à Alger ! Au niveau international toutefois, Allouache s’est fait connaître avec Bab El Oued City (1994), une chronique plus amère que douce, tournée à la sauvette, sans autorisation aucune, dans un Alger quadrillé par la police et les milices islamistes. Il enchaîne les films, mais avec un penchant pour la comédie plus prononcé. Ce seront par exemple Salut cousin ! (1996), ou encore Chouchou (2003). On se disait alors que Merzak Allouache avait tourné la page de la noirceur, de la chronique sociale crucifiant le langage officiel à l’autel de la vérité du quotidien.
C’est pourquoi lorsqu’arrive le Repenti à la Quinzaine des Réalisateurs 2012, tout le monde est surpris. Personne ne s’attendait un film qui fait mal à ce point. Merzak Allouache porte un regard lucide et sans concession sur son pays. On a beau promulgué des lois d’amnistie, la mémoire de l’horreur reste vivace. La douleur de l’âme laboure les esprits et chacun est retranché dans son camp. La violence a peut-être disparu des tableaux officiels, mais elle est bien là. Prête à surgir à la moindre inattention. Dans une ouverture splendide, Merzak Allouache semble avoir posé tout l’argumentaire qu’il développera ensuite : un personnage court, tombe, se relève — non sans difficultés —, et reprend sa course. Vers quel but ?
Alfio di Guardo