West Side Story (2021)

De Steven Spielberg
Etats-Unis - 2021 - vost - 156' - Couleurs - Numérique
Synopsis

Cette nouvelle adaptation par Steven Spielberg de la comédie musicale West Side Story, créée à Broadway en 1957 sur une musique de Leonard Bernstein, a été nominée sept fois aux Oscars 2022. Elle remporte l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.

En lien avec : West Side Story (1961)

Critique

D’abord, il y a la musique, les sifflets, le rythme jazzy, qui font claquer des doigts, swinguer les corps et vous plongent  immédiatement dans le bain, telle une tendre madeleine de Proust. Un travelling vertical spectaculaire pour embrasser, avant qu’il ne s’embrase, un quartier de New York en pleine démolition. Quartier voué à être reconstruit et « gentrifié », même si le mot n’est pas d’époque (un panneau annonçant la construction du Lincoln Center en atteste). On y est, dans ce quartier pauvre de l’ouest de New York, à la fin des années 1950. Le show peut commencer. 

Affrontement sur un terrain de sport et dans les rues, Jets contre Sharks (et réciproquement) , Portoricains contre Américains, Riff contre Bernardo. Jusqu’à l’intervention de la police, qui entame le dialogue, mots soudain encore plus violents de racisme et de communautarisme après cette longue plage uniquement musicale où les corps ont tout dit. Et l’on voit à quel point West Side Story  n’a rien perdu de sa puissance, de son mordant. On sait gré à Steven Spielberg et ses scénaristes de ne pas l’avoir réactualisé. Ça roule. C’est pareil, en un petit peu différent (les décors sont plus nombreux, plus vivants, moins théâtraux… ce qui n’ajoute pas grand-chose), sauf pour le personnage de Doc (qui tenait la Candy Store devenue ici Pharmacie) et qui est remplacée par « sa femme » et « sa veuve », la Portoricaine qu’il a épousée et que Rita Moreno (jadis flamboyante interprète d’Anita, l’amoureuse de Bernardo) endosse avec fougue, faisant passer quelques messages bien sentis sur le vivre ensemble… Et puis, il y a le morceau de bravoure I like to live in America, les Sharks, filles contre garçons sur le toit de leur immeuble dans la version 1961 s’affrontent entre eux au rythme effréné de cette chanson endiablée, qui raconte sur un ton primesautier un quotidien pas rose, rêve de migrants contre réalité d’immigrés. Et là, les décors se multiplient, rues, coursives, escaliers, on s’y perd, c’est beau, c’est brillant. Trop… Il en va de même ensuite, l’atelier de couture, lieu unique de la chanson I feel pretty, devient grand magasin aux multiples étalages, la boutique transformée en chapelle de fortune pour l’échange des vœux devient véritable église… Et tout à l’avenant. C’est trop d’esbroufe (talentueuse, c’est vrai), et les mouvements dansés s’y égarent dans des raccords où on ne voit plus toujours l’ensemble. Alors oui, Spielberg est parvenu à « refaire » en plus chic et plus cher. Et peut-être les « nouveaux spectateurs » y trouveront-ils leur compte… Mais une espèce d’aquoibonisme nous saisit, nous les « anciens », les aficionados de la première version, toujours aussi pimpante et juste soixante ans après. Et la nostalgie, oui, n’est plus ce qu’elle était…

Isabelle Danel, Bande à Part