The Card Counter
Mutique et solitaire, William Tell, ancien militaire devenu joueur de poker, sillonne les casinos, fuyant un passé qui le hante. Il croise alors la route de Cirk, jeune homme instable obsédé par l’idée de se venger d’un haut gradé avec qui Tell a eu autrefois des démêlés. Alors qu’il prépare un tournoi décisif, Tell prend Cirk sous son aile, bien décidé à le détourner des chemins de la violence, qu’il a jadis trop bien connus…
«Paul Schrader est de retour avec The Card Counter, nouvelle plongée dans les noirs tréfonds du coeur humain, porté par un Oscar Isaac en majesté.» Nicolas Bauche, Positif
Souvenez-vous, c’était l’an dernier à l’heure des bilans de fin d’année. Paul Schrader avait élu First Reformed (2017), son précédent long métrage, meilleur film de la décennie qui s’achevait. L’autocélébration ironique signait avec panache la résurrection d’un auteur en tout point captivant, plume noueuse et emblématique du Nouvel Hollywood (il est le scénariste, entre autres, du Taxi Driver de Martin Scorsese et d’Obsession de Brian de Palma) et cinéaste comptant quelques merveilles à son actif (Hardcore,American Gigolo, Mishima) mais dont les dernières œuvres depuis The Canyons (2013) n’avaient même pas eu droit à une distribution en salles, sorties directement en VOD et en DVD. En plaçant cette splendeur sépulcrale en tête de son classement, Schrader, 75 ans cette année, avançait un argument limpide : ce film représentait à ses yeux son «chef-d’œuvre absolu», «l’aboutissement» de son cinéma. Comment dès lors réaliser le film «d’après» ? N’importe quel autre cinéaste aurait été paralysé par ce geste d’auto-embaumement. Pour Schrader se produit exactement le contraire, livrant avec The Card Counter un film affichant une insolente et sidérante vitalité créatrice. Peut-être parce que justement son œuvre s’est toujours abreuvée des mêmes thèmes obsédants, faisant du ressassement le moteur torturé de ses films, grattant en boucle les mêmes plaies jusqu’à en atteindre le cœur palpitant, la substantifique moelle. Or l’avantage d’une boucle, c’est qu’elle ne se referme jamais vraiment, qu’elle n’en finit pas de se confronter aux mêmes motifs pour en révéler de nouvelles facettes, comme un diamant dont l’éclat en se diffractant dévoile mille beautés changeantes. (…)
Nathalie Dray, Libération