El viaje
Martin, 17 ans, vit avec sa mère et son père adoptif au fin fond de la Patagonie. L'absence de perspectives le plonge dans le désespoir. C'est ainsi qu'un beau jour, il enfourche sa bicyclette et part à la recherche de son père. Son voyage nous fait parcourir toute l'Amérique latine à travers la richesse de ses mythes et de son histoire, des Indiens du Brésil aux Aztèques du Mexique. Il nous confronte aussi aux situations actuelles, catastrophiques sur le plan social et écologique.
L'un des films les plus réjouissants de l'année, qui n'a pas eu le succès mérité. Riche (trop ?) du métissage de genres, à la fois historique, métaphorique, satirique, onirique, idéologique : le collège-prison si ruiné qu'il neige sur les pupitres tandis que résonne dans ses halls déserts le bruit que provoquent, en tombant de leur support vermoulus, les monstrueux portaits peints des dirigeants argentins ; la superbe désolation de Buenos Aires transformée en cloaque ; la réunion de l'Organisation des pays à genoux ; le rançonnage des villages par un car gouvernemental chargé de collecter de quoi rembourser l'énorme dette extérieure ; le port de ceintures et de brides destiné à réfréner ses désirs ; l'idéal féminin de la jeune fille muette en rouge ; l'ignoble exploitation des humbles... On n'en finirait pas d'énumérer les retrouvailles visuelles dont certaines resteront dans notre mémoire de cinéphiles. Par rapport au coup de poing que représentait L'heure des brasiers, en 1968, Le voyage, filmé vingt-cinq ans plus tard, se présente comme un film constat, dénonciateur. À chaque époque sa forme de lutte, l'appel à la révolution a laissé sa place à la recherche des racines. Face à l'acculturation que représente le modèle américain, les Latinos-américains défendent leur identité en sauvegardant leurs traditions.
Le Mensuel du Cinéma 1993, Jean-Pierre Bertin-Maghit