Johnny Guitare
Une cow-girl en collants noirs et un ténébreux paria forment un couple des plus atypiques : amour, haine, vengeance et rédemption au coeur de l'Arizona.
Le film porte le nom d’un héros tourmenté et inoubliable, entouré de seconds rôles masculins qui ne le sont pas moins — l’apprenti bandit trop jeune pour mourir, le serviteur de l’ombre qui rentre enfin dans la lumière à l’heure de l’agonie… Et pourtant, ce sont les femmes qui portent la culotte.
La frustrée Emma Small (terrifiante Mercedes McCambridge) incarne le puritanisme américain, intolérant jusqu’à la haine : ses appels à la délation et au lynchage, son conservatisme social l’apparentent à un sénateur McCarthy en jupons — le scénario, écrit par le « progressiste » Philip Yordan, est une parabole de la « chasse aux sorcières » qui sévissait alors contre les communistes aux États-Unis. Emma veut la peau de Vienna, son contraire : une femme libre, indépendante (jouée très virilement par Joan Crawford), propriétaire à poigne d’un saloon-casino, qui assume sa vie dissolue et ses sentiments. Le duel entre les deux rivales est également visuel : le rouge flamboyant des lavallières de Vienna, puis le blanc immaculé de sa robe de soirée s’opposent aux tenues noires d’Emma. Une symphonie de couleurs que Nicholas Ray orchestre dans une mise en scène au baroque furieux. Et somptueux.
Samuel Douhaire, Télérama