La Folle Journée de Ferris Bueller
Un cancre invétéré, Ferris Bueller, convainc sa petite amie et son meilleur ami hypocondriaque (dont le père a une Ferrari) de sécher les cours pour aller passer la journée à Chicago. Pendant qu'ils font les 400 coups dans la grande ville, le proviseur et la soeur de Ferris tente, chacun de leurs côtés, de prouver aux parents que leur fils est un cancre et qu'il a séché.
“La vie passe vite, vous pourriez la manquer”, nous lance Ferris face caméra, avant de se lancer dans une multitude d’activités que vous pouvez tester chez vous: boire des cocktails dans un hamac la poitrine ceinte de fleurs en crépon, apprendre la clarinette déguisé en jazzeux des années trente, placer des pièges un peu partout pour tromper ces idiots qui nous gouvernent (où l’on voit que John Hughes teste quelques-unes des jouissives idées qu’il développera pour le culte Maman j’ai raté l’avion, dont il signe le scénario).
Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’école buissonnière, comme la vraie vie, est ailleurs, et si les premières minutes du film résonnent comme une ode au confinement ludique, la suite nous sort de la maison à un rythme effréné, digne des meilleurs films de course-poursuite. Et Ferris de débaucher Cameron, son hypocondriaque de meilleur ami et Sloane, sa ravissante girlfriend, pour une exceptionnelle virée aux quatre coins de Chicago.
En 1986, John Hughes a déjà réalisé quatre teenmovies, (...) au travers desquelles il a établi une grammaire singulière, articulant le cinéma de genre - pop, léger, coloré et musical - à une ambition naturaliste qui le démarque de ses confrères. La classe, la sexualité, la violence, tout ce que l’adolescence rend crucial et douloureux, n’est jamais masqué par la légèreté formelle. (...) son précédent opus, Breakfast Club, campait quatre spécimens en proie à une inquiétante instabilité émotionnelle. (...)
La folle journée de Ferris Bueller est plus franchement comique. La force du film tient à son énergie dévastatrice, quasi punk, dans sa manière d’ébranler toutes les structures de la société américaine des eighties, des salles de bourse où les gestes mécaniques des traders ressemblent à des grimaces simiesques, au lycée où des professeurs ânonnent des exposés ineptes. Ferris lui-même, beau, populaire, bien loti, mais qui se fout de tout et de tout le monde, incarne une ambiguïté propre à son époque: celle, aussi d’un geste cinématographique, qui oscille entre gratuité potache et subversion nécessaire.
“Rentrez chez vous! ”, nous lance Ferris au terme de cette folle journée. On obéit bien sûr, c’est de rigueur, mais avec le plaisir du chenapan qui a joué un mauvais tour."
Lucile Commeaux, France Culture