A perfectly normal Family
Emma, une adolescente, grandit au sein d’une famille tout à fait ordinaire. Jusqu’au jour où son père décide de devenir une femme. Ce bouleversement au sein de cette famille aimante conduit chacun à se questionner et à se réinventer…
Inspirée par sa propre expérience, la réalisatrice signe un film formidable de délicatesse et d’humanité. Elle raconte ce quotidien banal et extraordinaire à la fois, avec ses joies et ses drames, en adoptant le point de vue de l’enfant qu’elle était. Juste, fort et touchant. Perfectly normal, en somme.
Au Danemark, une famille aimante, apparemment idéale. Un jour, pourtant, le père annonce à ses deux filles, non sans difficulté, qu’il veut et qu’il va devenir une femme. La mère ajoute dans la foulée qu’ils vont divorcer. Pour les filles, c’est un choc, surtout pour la cadette, Emma, qui refuse d’envisager un changement d’identité de son père. Le film privilégie le point de vue de cette préadolescente, son besoin de la norme, sa peur de la différence. La réalisatrice de 32 ans, qui signe là son coup d’essai, s’inspire de ce qu’elle a elle-même vécu et ressenti. Un bouleversement intime qu’elle traite, non pas sur le mode du psychodrame, mais davantage sur le ton de la chronique douce-amère, tendre, parfois drôle.
On assiste à la transition progressive du père. Thomas se fait appeler maintenant Agnete, s’habille en femme. Emma refuse d’abord de la voir ainsi et, scène piquante chez la psychologue, se cache les yeux en s’enveloppant la tête d’une écharpe. La souffrance et la confusion intérieure sont la plupart du temps retenues, au risque d’édulcorer ou de céder au miel, avec le rappel de l’enfance joyeuse à travers des vidéos de famille. A Perfectly Normal Family intéresse plus quand il montre que la transition courageuse du père s’accompagne aussi d’un recentrage un peu égoïste, forcément cruel pour Emma. Dans ce genre de films, le casting est décisif. Mikkel Boe Følsgaard s’en sort pas mal, en étant crédible à la fois comme Thomas et comme Agnete, maquillée, portant jupes et bijoux. Mais c’est surtout Kaya Toft Loholt, sobre et juste, effrontée jusque dans le foot qu’elle pratique, qui tire le mieux son épingle du jeu. Son cheminement intérieur a ceci d’émouvant qu’il mène à l’acceptation de la transformation la plus radicale qui soit, résultat d’un amour aussi inconditionnel que réciproque.
Jacques Morice, Télérama
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Une adolescente assiste à la transition de son père en femme. Aussi juste soit-il, ce résumé ne rend pas justice au film. C’est en réalité l’histoire de deux corps naissant en même temps à leur féminité. L’un dans la revendication de son nouveau genre, l’autre dans le doute de tout enfant. Evitant les écueils de la fiction à thèse, le scénario et la mise en scène cherchent à banaliser et à normaliser la situation, trouvant dans un humour discret (allons donc faire une manucure avec papa !) un ton décontracté qui nuance parfaitement la rigueur du propos.
Xavier Leherpeur, Le Nouvel Observateur
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Malou Leth Reymann intègre en permanence dans son récit des reconstitutions de petits films de famille, au moment où les deux gamines étaient encore très jeunes, comme s’il s’agissait de ses propres images familiales. sorties de boîtes anciennes. Le pari de l’autobiographie était risqué en confiant son propre témoignage sur un grand écran, et la réalisatrice suédoise, grâce à un subtil mélange d’intelligence, de sensibilité et de drôlerie, y parvient souvent avec brio. Elle ne verse pas dans le misérabilisme ou le psychodrame. Au contraire, la mise en scène se plaît à alterner les genres dans cette représentation filmique d’une réalité familiale, à la fois ordinaire et extraordinaire.
Laurent Cambon, A voir à lire