Old Boy
Le 8 octobre 1993, Joe Doucett, père d'une fille de trois ans, est enlevé et séquestré sans raison. Depuis sa cellule, il découvre à la télévision qu'il est accusé d'avoir tué sa femme. 20 ans plus tard, Joe est libéré, puis contacté par son ravisseur…
Il est ardu d’évoquer Oldboy sans en déflorer la véritable portée. Construit comme une énigme, le film déroule sa logique interne sans que le spectateur soit pour autant en possession d’éléments explicatifs. Perdu comme le héros (en cela Spike Lee respecte le parti pris de Park Chan-wook), il se raccroche au peu de pistes qui lui sont offertes. Comme Doucett, qui garde contact avec le monde extérieur via la télévision de sa chambre, le public ne peut que croire ce qui lui est donné à voir. Or, au fil des révélations, les apparences s’avéreront trompeuses. Le choix d’intégrer un poste de télévision, non comme un simple gadget historique (les événements marquants de la fin du XXe siècle sont égrenés) mais surtout comme un fil informatif de la vie privée du héros se révèle une idée pertinente de la part de Spike Lee et non exploitée par le réalisateur coréen. En effet, Doucett découvre que son ex-femme a été assassinée (il est d’ailleurs considéré par les autorités comme coupable) mais surtout il suit par l’entremise d’une sordide émission l’évolution de sa fille, jeune orpheline devenue avec les années une violoncelliste de talent. Sa libération, tout aussi impromptue que sa capture, lui offre à la fois l’occasion de sa vengeance (retrouver le commanditaire) et celle de sa rédemption (redevenir un père pour son enfant).
Tandis que Lee ne prend aucune liberté avec les séquences ultra-violentes qui ont marqué les esprits (le travelling latéral de dézingage au marteau par exemple), il s’émancipe de son modèle grâce aux différents niveaux de réalités qui irriguent son film (jeu sur l’illusion, différentes époques qui se télescopent…). Moins poétique et esthétique, Oldboy version 2014 parvient ainsi à augmenter le trouble lors de la révélation finale grâce à une roublardise jouissive de la part d’un faiseur d’images. Un tour de force quand on connaît la morale de l’histoire.
Ursula Michel, Critikat