Burning
Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier, retrouve par hasard son ancienne voisine, Haemi, qui le séduit immédiatement. De retour d’un voyage à l’étranger, celle-ci revient cependant avec Ben, un garçon fortuné et mystérieux. Alors que s’instaure entre eux un troublant triangle amoureux, Ben révèle à Jongsu son étrange secret. Peu de temps après, Haemi disparaît…
L’histoire, soulignée par une mise en scène plus discrète que démonstrative – travail colossal pour en gommer tous les accidents qui feraient désespérément sens –, passe de la banalité à une forme de radicalité peu signifiante, pas rassurante, nue et cruelle, troublante jusqu’à l’obsession. D’un titre affolant, d’un récit jouant sur le déséquilibre, Chang-dong signe un film incandescent, le plus déroutant de sa courte carrière (six titres seulement), le plus ambitieux aussi d’une œuvre qu’on a envie de revisiter fissa. Burning est surtout un film qui ne se résout pas, dans tous les sens du terme. De la puissance des chefs-d’œuvre.
Pascal Gavillet, Tribune de Genève
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Burning éveille ainsi un drôle de sentiment, nous laissant jamais trop inquiet, jamais vraiment rassuré, mais complètement désarçonné. C’est toute son oscillation sublime, sa fureur sourde aussi, avec ces signes ostentatoires mais piégeux (des marques de richesses ou d’appartenances, des coups, des regards) et ces milliers de suppositions qui suintent de gestes imprévus (un bâillement de trop, un briquet oublié). On ne sait pas, et on ne saura peut-être jamais (à chacun d’y faire éclore son propre bouquet d’illusions) ce que Ben a précisément en tête, derrière ses airs amicaux, ses menaces souriantes, cette rage que l’on devine, une rage sans tête chercheuse.
Plus la traque s’étire, plus elle se teinte d’un spleen collant, poisseux - et plus Jongsu cherche Haemi, plus il se condamne à en être amoureux. Les regards s’y noient, désespérément à l’affût d’un objet auquel s’agripper, qui ne laisse deviner la possibilité ambiguë d’un double fond. Mais c’est là tout la puissance trouble de Burning, et de la quête à bout de sens à laquelle il livre son protagoniste, que de se faire dans tous les recoins de ses plans l’écrin à la fois d’un refuge ou d’un guet-apens.
Jérémy Piette, Libération