Le Lauréat
Ses études achevées, le jeune Benjamin Braddock rentre chez lui. Ses parents donnent une grande réception et Ben rencontre Madame Robinson, une femme mûre... Entre Anne Bancroft et Katharine Ross, Dustin Hofman ne sait plus où donner de la tête. Mais Simon et Garfunkel réglent le tempo et, soudain, la vie change.
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Le Lauréat est sans conteste un « hit », immédiatement séduisant – et dont la séduction perdure encore aujourd’hui – et synchrone avec les préoccupations et l’état d’esprit de la jeunesse américaine des années 60. Un film mode, mais dont le style, loin de s’être démodé, est encore un modèle d’élégance et inspire Quentin Tarantino – le générique de Jackie Brown est calqué sur celui du Lauréat – Sofia Coppola, Wes Anderson et bien d’autres. Situé dans le milieu de la bourgeoisie californienne, ses villas de luxe avec piscine, son alcoolisme mondain, ses conventions sociales étouffantes et son ennui ensoleillé, Le Lauréat décrit la crise existentielle de Benjamin qui vient de finir ses études et rechigne à suivre le parcours tout tracé que lui prédisent ses parents : gagner beaucoup d’argent et se marier avec la jolie fille idéale. Un incident imprévu va venir dérégler l’ordre établi. Benjamin devient malgré lui l’amant d’une femme mariée, Mrs. Robinson, amie de ses parents, et mère d’une jeune fille de son âge. Le Lauréat est le film qui propulsa Dustin Hoffman – 30 ans au moment du tournage, soit dix de plus que son personnage et seulement six de moins que Anne Bancroft qui interprète Mrs Robinson ! – dans un rôle initialement pensé pour Robert Redford. Son physique de corniaud tranche avec son entourage caricatural de Californiens jeunes blonds et bronzés, et les réticences inaugurales de Mike Nichols se transformeront en atout pour le film, portrait d’un vilain petit canard semant le chaos dans une société WASP policée et rigide.
Historiquement, Le Lauréat est le premier titre marquant du Nouvel Hollywood, un an avant Bonnie et Clyde de Arthur Penn, les deux films subvertissant de l’intérieur les genres et la morale hollywoodiennes et se livrant à quelques audaces stylistiques. Les chansons de Simon et Garfunkel qui rythment Le Lauréat en font un objet pop et mélancolique, sublimé par la photographie couleur de Robert Surtees et la direction artistique de Richard Sylbert. Le Lauréat fait partie de ces films qu’on peut revoir sans se lasser et auxquels il est difficile de résister : Anne Bancroft y est toujours aussi sexy et Dustin Hoffman aussi nigaud, sa scène de cavale finale et le changement soudain dans l’expression du visage de Benjamin ouvrent des horizons inquiets, des fuites en forme de béances et de fissures névrotiques dans lesquels s’engouffreront Dennis Hooper, Monte Hellman, Martin Scorsese et Michael Cimino, entre autres.
Olivier Père, Arte