Free to run

De Pierre Morath
Suisse - 2016 - vost - 99'
Synopsis

Des rues de New York aux sentiers des Alpes suisses, hommes et femmes, champions ou anonymes… Ils sont chaque année des dizaines de millions à courir. Il y a 50 ans, la course à pied était encore considérée comme un acte marginal, une pratique quasi déviante cantonnée aux athlètes masculins et à l’enceinte des stades. « Free to Run » retrace la fabuleuse épopée de ce sport solitaire devenu passion universelle. Le nouveau film de Pierre Morath est un hymne à la gloire de la course libre et de ceux qui la font exister.

Critique

NOTE DU REALISATEUR

De nos jours, courir est quelque chose de commun. Que l’on soit homme ou femme, jeune ou vieux, mince ou gros, chacun peut se mettre à courir, à participer à des courses même, et personne ne s’en étonne plus. Il y a à peine 40 ans pourtant, les choses étaient très différentes. La course de fond était une activité puritaine et élitaire, réservée aux seuls champions de la piste ou aux stakhanovistes du marathon, cette distance de 42 kilomètres héritée d’un mythe antique et que l’on croyait alors faites pour les fous et les masochistes. Ceux qui sans être des champions s’aventuraient à courir dans la nature étaient considérés au mieux comme des excentriques et au pire comme de dangereux subversifs. De mon côté, j’ai rencontré la course en 1985. J’avais 15 ans. J’avais fait du foot depuis toujours et là je me découvrais des prédispositions pour un sport individuel, qui correspondait beaucoup plus à ma nature profonde. Je me suis mis à courir de plus en plus. Je gagnais des courses, j’allais au bout de moimême, j’avais un immense plaisir à courir. C’était quelque chose d’instinctif. De plus en plus de monde courait. Des champions, des anonymes, des tous jeunes, des personnes parfois très âgées. Je pensais que tout le monde avait toujours couru comme ça, librement. Pour se faire du bien, pour rencontrer des gens et faire la fête, pour se fixer des défis personnels et se sentir bien dans son corps. Ce n’est que plus tard, à la fin des années 1990, que mon métier d’historien m’a amené à m’intéresser à l’histoire récente des coureurs de fond, dans le cadre de la publication d’un livre écrit à quatre mains avec un sociologue. C’est à ce moment-là aussi que j’ai découvert ce que je ne connaissais jusqu’ici qu’en surface: l’incroyable et méconnue histoire de la course populaire. L’histoire d’une véritable révolution des mentalités, d’une longue lutte pour le droit le plus élémentaire de courir sans être un champion. Une histoire qui s’apparentait aussi, et de façon très troublante, à un miroir puissant des mutations de notre société au cours des 40 dernières années. Une histoire, également, qui se lisait comme un roman, une épopée. Avec ses conflits, ses symboles, ses figures et ses «martyrs».

Le sport avait donc eu, lui aussi, sa révolution sociale. Et la course de fond incarnait mieux que toute autre discipline cette énergie rebelle ! Il y avait là matière à un magnifique film… De longues années de travail plus tard, FREE TO RUN est désormais là. Prêt à être vu, goûté, savouré, partagé… Une immense saga retraçant épopée invraisemblable et méconnue de la course libre: De la naissance idéaliste et militante du «jogging» à l’explosion du business des courses et des marathons populaires. Et au-delà, bien au-delà, reflet troublant des métamorphoses de nos sociétés: De la révolution sociale anti autoritaire et la lutte pour l’égalité des sexes engagée à la fin des années 1960 en Europe et en Amérique jusqu’au triomphe de l’individualisme et de la société de consommation, dès les années 1990.

Pierre Morath