El Perdido
Recherché pour meurtre, Brendan O’Malley trouve asile dans un ranch et se fait engager en tant que convoyeur. Mais il est poursuivi par le shérif Dana Stribling...
Western crépusculaire, secret, complexe, donc beau. De tous les westerns de Robert Aldrich, El Perdido (The Last Sunset) est sans doute le plus secret, le plus complexe, donc le plus beau. Chaque incursion du cinéaste dans ce genre “américain par excellence” est un jalon important dans sa carrière, exprime une des différentes facettes de son art : la conscience politique dans Bronco Apache, le baroquisme dans Vera Cruz, la vulgarité dans Quatre du Texas, le désenchantement dans Fureur apache, l’humour picaresque dans Un rabbin au Far West. Autant de titres essentiels (à l’exception du médiocre et lourdement parodique Quatre du Texas) qui accompagnent, des années 50 à 70, le cinéma américain dans ses métamorphoses esthétiques et thématiques. El Perdido est à la fois un film-somme qui récapitule ses principaux succès des années 50 et un chef-d’œuvre qui dévoile dans le cinéma d’Aldrich des perspectives nouvelles et particulièrement ambitieuses qu’il explorera lors de deux décennies suivantes. El Perdido ne jouit pas d’une réputation exceptionnelle. Tourné à la veille du triomphe de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, lors d’une période difficile pour Aldrich il avait dû s’exiler en Europe, le film souffrit des conflits incessants entre le cinéaste et son producteur vedette, Kirk Douglas, et du faible intérêt du scénariste Dalton Trumbo. El Perdido est pourtant un western admirable, “crépusculaire”, pour paraphraser son titre original. Aldrich renonce délibérément aux grands espaces et aux chevauchées spectaculaires pour réaliser un western intimiste et violent, centré autour de personnages complexes et tourmentés, rongés par le remords, la lâcheté, sans parler du désir sexuel et de la perversité qui vont peu à peu contaminer l’œuvre aldrichienne. Si Aldrich est un nom important du cinéma américain néoclassique, aux côtés de Sam Peckinpah et Richard Fleischer, il est possible que ce beau western soit le titre idéal pour (re)découvrir une filmographie placée sous le signe de la démesure.
Olivier Père, Les Inrocks