Annalisa
Veleno « Poison » et Zazà, deux adolescents de 15 ans deviennent amis alors que tout les oppose. Veleno est fils de notable, Zazà est une petite frappe des quartiers populaires. Tandis que l’un veut s’affranchir de son milieu favorisé, l’autre rêve d’être repéré par les sélectionneurs de la Juventus. Un jour, la belle Annalisa, jeune fille mystérieuse et sensuelle, apparait dans leurs vies. Elle devient alors une légende énigmatique pour les jeunes du village et une source de troubles passionnels pour les deux garçons.
En italien, le titre est mystérieux comme tout : « Il Paese delle spose infelici » (le pays des épouses malheureuses)... La traduction française est à la fois plus banale et plus injustifiée, car Annalisa, interprétée par une jeunesse éblouissante aux faux airs de Charlotte Rampling, reste le personnage le plus convenu de l'histoire : silhouette artificielle qui s'offre à tous les mâles en rut pour oublier un chagrin d'amour. Le réalisateur se sort comme il peut de ce piège faussement romanesque... Ce qu'il réussit à saisir, en revanche — et magnifiquement —, c'est la déliquescence de cette Italie du Sud en crise, en léthargie. Peu à peu, il en fait la proie facile d'un nationalisme exacerbé, reflet d'un fascisme d'autant plus effrayant qu'apaisé. Dédiabolisé, comme on dit aujourd'hui...
Dans la tradition des grands humanistes de jadis, il peint, aussi, avec ferveur, ceux qu'il appelle des « héros de chair et de rêves ». Les deux ados dont la fraternité naît et survit en dépit de leurs origines sociales. Et aussi leur entourage, à commencer par cet entraîneur de foot qui, contre toute logique, espère voir l'un de ses protégés aller jusqu'à Turin, jusqu'à la Juve. Et ces matchs amateurs, il les filme avec un étonnant mélange d'enthousiasme et de mélancolie... Bref, les cinéphiles devraient retenir son nom : Pippo Mezzapesa est un débutant rudement doué.
Pierre Murat, Télérama