Tu seras mon fils
On ne choisit ni ses parents, ni ses enfants ! Paul de Marseul, propriétaire d'un prestigieux vignoble à Saint Emilion a un fils, Martin, qui travaille avec lui sur le domaine familial. Mais Paul, vigneron exigeant et passionné, ne supporte pas l'idée que son fils puisse un jour lui succéder…
(…) Un très juste dosage caractérise donc le film. Juste dosage entre classicisme et spontanéité, entre le texte et le jeu, et l'image et le son, entre noblesse et trivialité des sentiments. Cet équilibre, aboutissant à une mise en scène riche et dense, mariée au fait que plusieurs fois dans le film il soit fait allusion à F.F. Coppola (l'un des personnages ayant travaillé dans le vignoble californien du célèbre cinéaste), crée un pont entre le film et la trilogie mafieuse de ce dernier. L'insistance ne semble en effet nullement anodine. Sans bien sûr comparer, le film ne prétend pas d'ailleurs se mesurer à son illustre ainé, les deux hérauts de Tu seras mon fils, sont en revanche les mêmes que ceux du Parrain: la famille et la tragédie. Là aussi, la beauté plastique du film, se partageant entre la photographie polie et contrastée d'Yves Angelo, et la solennité rustique du décor, le magnifique domaine du Clos Fourtet à Saint-Emilion, dissimule en réalité les instincts les plus vils. Une violence sourde, d'abord tu, mais qui peu à peu se révèle au grand jour, habite en effet chaque minute du film. Au cœur de celle-ci, Paul de Marseul, impressionnant Niels Arestrup, sans nul doute l'un des nos acteurs les plus doués. Tour à tour inquiétant, fascinant, mais aussi médiocre, grotesque et parfois cruel, sans jamais pour autant tomber dans la farce méphistophélique, l'acteur atteint ici un degré d'excellence qui ne peut qu'imposer le respect. Enfin, la musique, une magnifique réorchestration de Vivaldi, achève de conférer au film sa dimension tragique et d'envelopper dans le velours la cruauté de ses sentiments.
Yann Largouët
Cinéma des Aînes. Fondation Arditi