L'Arbre aux sabots
Dans l’Italie de la fin du 19e siècle, quatre familles de métayers tentent de survivre. Mais les sabots neufs d’un petit garçon singulier vont changer le cours des choses… Une merveille récompensée par la Palme d’Or au Festival de Cannes 1978.
En lien avec Nos soleils, de Carla Simòn
Mai 1978. En remportant la Palme d’or, L’Arbre aux sabots du cinéaste italien Ermanno Olmi crée l’événement au Festival de Cannes. Cette chronique de la vie paysanne à la fin du XIXe siècle dans l’Italie du Nord détonne dans le paysage cinématographique de l’époque : une durée de presque trois heures, des acteurs non professionnels, un texte interprété en dialecte régional en font une œuvre à contre-courant qui révèle au grand public un cinéaste quasi-inconnu dont le film L’Emploi avait remporté un certain succès critique en 1961. L’Arbre aux sabots dépeint la vie quotidienne et les rites communautaires de plusieurs familles réunies dans une ferme de Lombardie, vers 1880. Le propriétaire agricole qui les emploie comme métayers les exploite et les traite comme des serfs. Ermanno Olmi vient de ce monde paysan. Il a grandi dans une ferme semblable à celle qu’il décrit. Pour le scénario, il s’est inspiré de ses souvenirs d’enfance et des histoires que lui racontait sa grand-mère. Les critiques apprécient le caractère artisanal de cette œuvre réalisée en un an pour un budget minime. Olmi a porté ce film en lui très longtemps. Il en est l’auteur complet, à la fois scénariste, metteur en scène, adaptateur, directeur de la photographie, cadreur et monteur. De façon unanime, la presse est séduite par l’impression d’authenticité qui se dégage du film. Ce film « rude et noble a l’âpreté du sol où puisent ses racines. Aucune fausse poésie, aucun lyrisme frelaté », écrit Jean de Baroncelli dans Le Monde. Pour L’Aurore, « Olmi est entré totalement dans cette âme paysanne de la fin du XIXe siècle ». L’Humanité-Dimanche parle « du premier grand film « paysan » que le cinéma nous ait jamais donné ». Ce qui frappe d’emblée, c’est le rejet de tout artifice cinématographique. Dans cette « non-dramatisation du réel » (Charlie Hebdo), « l’important, le primordial est dans les attitudes et surtout dans les regards » (La Croix de Toulouse). « Tous les personnages, tous les sentiments sont vrais, mais cette vérité est transcendée par un lyrisme pudique qui atteint notre cœur avant de réjouir notre intelligence » (France Soir). Pour Positif, ce que recherche Olmi, « c’est la rencontre avec la vie quotidienne collective de ses ancêtres, en communion mystique avec eux ». Le film est une « chronique intimiste où le souvenir, le respect, l’affection de l’auteur pour un monde disparu éclate à chaque scène (L’École Libératrice). « Un film troublant (…) sans autre action particulière que la vie » (La Croix), dont le tissu de choses quotidiennes et banales constitue l’élément dramatique, un film « étranger à toutes les modes de notre temps » (L’Éducation). (…)
Véronique Doduik, La Cinémathèque française