La Chair et le sang
Au XVIème siècle, trahis par le seigneur Arnolfini qui les avait employés, une bande de mercenaires, sans foi ni loi, enlève la jeune Agnès alors fiancée à Stephen, le fils du maître des lieux. Les bandits décident par la même occasion de mettre à sac la région…
De la même manière que La Chair et le Sang (Flesh+Blood, 1985) se déroule à une époque charnière entre la fin du Moyen-Age et le début de la Renaissance, quelque part en Europe, ce film de Paul Verhoeven est le titre de la transition entre sa période hollandaise et le début de sa carrière aux Etats-Unis. Il s’agit en effet d’une production internationale en anglais montée avec des capitaux américains – la mini-major Orion Pictures finança le film – et tournée en Espagne, comme au bon vieux temps des péplums de Samuel Bronston. Le tournage sera emaillé d’incidents et consommera la rupture entre Verhoeven et son acteur fétiche Rutger Hauer, inquiet d’interpréter un mercenaire violeur et ripailleur à l’orée de sa nouvelle carrière à Hollywood. Dans les marges de l’heroic fantasy mise au goût du jour trois ans plus tôt par Conan le barbare de John Milius, Verhoeven revisite un genre hollywoodien – le film d’aventures historiques, avec Les Vikings de Richard Fleischer comme référence ultime – mais à sa manière, c’est-à-dire avec une vitalité, une crudité et un souci de réalisme typiquement européens. Il est aussi permis d’envisager La Chair et le Sang comme une version médiévale de La Horde sauvage de Sam Peckinpah. C’est moins la description – fantaisiste et volontairement anachronique – du Moyen-Age qui est réaliste que l’évocation des horreurs de la guerre, le déchaînement des pulsions de vie et de mort, les grands sujets du cinéma de Verhoeven. Le film est également hanté par la question de la représentation de la vie, de la mort et de la religion, au travers de nombreuses références picturales, théâtre d’ombres et icônes saintes. Le style picaresque, les détails triviaux, le sens de l’action et de la démesure, l’anarchisme politique et anticlérical renvoient au cinéma de Sergio Leone, Sam Peckinpah ou Robert Aldrich dont Paul Verhoeven est le meilleur et le plus direct héritier. Critiqué au moment de sa sortie en raison de ses excès de sexe et de violence La Chair et le Sang a depuis gagné son statut mérité de chef-d’œuvre. Il s’impose sans conteste comme l’un des meilleurs films d’aventures historiques jamais réalisés. Il confirme aussi l’extraordinaire talent de Verhoeven pour révéler des actrices et leur confier des rôles inoubliables. Agée de 23 ans, Jennifer Jason Leigh est géniale dans La Chair et le Sang, en princesse qui n’a vraiment pas froid aux yeux.
Olivier Père, Arte