CONTE D’HIVER
Pour avoir confondu Levallois et Courbevoie, Félicie a perdu la trace de Charles, un amour de vacances de qui elle a eu une petite fille. Quatre ans ont passé. Elle hésite entre l'amour de Loïc un peu trop intellectuel à son goût, et celui de Maxence qui lui propose de le suivre pour Nevers. Elle accepte, mais n'est-ce pas perdre tout espoir de retrouver la trace de Charles qu'elle aime toujours ?
Le dernier « Conte des quatre saisons » est le plus surprenant. On y retrouve le badinage amoureux cher à Rohmer, mais dans une atmosphère envoûtante, qui balance entre réalisme et magie, ou miracle… Tout est possible avec Félicie, héroïne peu ordinaire. Le temps d’un été, elle a vécu le bonheur parfait avec Charles, l’homme de sa vie, puis l’a bêtement perdu de vue. Des années plus tard, deux autres hommes l’aiment, mais elle ne sait lequel suivre : Maxence, un coiffeur qui veut ouvrir un salon et vivre avec elle à Nevers, ou Loïc, un bibliothécaire parisien. Tous deux sont un peu ternes, un peu tristes. Charles, lui, était rayonnant, et Félicie, qui n’a jamais cessé de l’aimer, pense encore pouvoir le retrouver. Le film raconte comment, en l’espace de quelques jours au mois de décembre, la conviction de Félicie s’affirme envers et contre tout et devient croyance : Charles lui reviendra. Ce cheminement s’opère bien sûr à travers le langage : les personnages pensent à haute voix, parlent philosophie et religion. Mais Rohmer insiste sur le refus de Félicie de devenir une « intello », et il la conduit vers une expérience intérieure qui dépasse les mots : une révélation dans la cathédrale de Nevers… Avec audace, le cinéaste invite la spiritualité dans un univers très familier de comédie sentimentale. Le film y gagne un beau mystère, qui est celui de la foi et aussi de l’amour.
Frédéric Strauss, Télérama