Doux oiseau de jeunesse
Un jeune homme revient dans sa ville natale en compagnie d'une ancienne actrice d'Hollywood, dans le but d'épater sa petite amie et le père de cette dernière, un politicien véreux…
L'accueil réservé par la critique française (sans parler d'un public, qui a sans doute ses raisons de ne pas aller voir le film), à l'œuvre remarquable de Richard Brooks me paraît absolument scandaleux. Doux oiseau de jeunesse est en effet le type même du film américain lucide et courageux, qu'il faut défendre passionnément pour l'audace et l'objectivité avec lesquelles il s'attaque au fascisme latent de la bonne société américaine. Bien qu'adapté, d'ailleurs très librement d'une pièce de Tennessee Williams, Doux oiseau de jeunesse est un film d'une santé et d'un idéalisme assez rares dans le cinéma américain. (…) Encore que dans une direction bien entendu différente, Brooks a effectué sur Sweet Bird of Youth un travail analogue à celui de Mankiewicz sur Suddendly last Summer, ne retenant de la pièce de Tennessee Williams que des personnages solidement écrits, une structure dramatique rigoureusement charpentée, et éventuellement une atmosphère assez étouffante. Sur le canevas robuste de l'intrigue, Brooks a greffé ses préoccupations personnelles (…). Et il est bien certain que ce qui a passionné Brooks dans Sweet Bird of Youth, c'est d'une part le retour à la lumière d'un jeune idéaliste déchu et d'autre part, l'occasion d'une virulente critique de l'inquiétant fascisme d'un grand nombre de politiciens des États du Sud. (…) Brooks est l'ennemi convaincu de tous les adversaires de la liberté individuelle. (...) Dans l'univers de haine et de lâcheté, au milieu duquel nous évoluons la violence idéaliste d'un Richard Brooks est parfois salutaire voire même indispensable pour survivre. C'est une des raisons pour lesquelles Doux oiseau de jeunesse est un film très important qu'il ne faut manquer à aucun prix.
Yves Boisset, Cinéma 63, No 72