Unrueh
Les nouvelles technologies amènent leur lot de changements dans une petite cité horlogère suisse à la fin du 19e siècle. La jeune ouvrière Joséphine fabrique la pièce maîtresse de l’horloge...
À la fin du dix-neuvième siècle, la vallée de Saint-Imier pulse au rythme des allées et venues des petites mains au sein des manufactures horlogères. C’est dans ce contexte que le communiste russe Pyotr Kropotkine va croiser la route d’une jeune ouvrière de la région. Leur rencontre sera l’occasion de sonder les envies révolutionnaires qui couvent dans le monde prolétaire de l’époque. Dans son premier long Dene wos guet geit, Cyril Schäublin mélangeait les langues et les cultures. Arabe, russe ou suisse allemand amalgamaient leurs accents au sein de cette sèche comédie, déjà bien remarquée à l’époque. Pour son nouveau film «Unrueh», le réalisateur a cette même envie cosmopolite. On y parle tantôt russe, tantôt français ou suisse allemand, ce qui appuie le foisonnement culturel et politique qui animait les couches ouvrières de cette année 1870. Car même si l’époque ne leur offrait pas les moyens de communication actuels, le peuple travailleur n’était pas moins international : dans les rues de la petite cité ouvrière, on s’inquiète des grèves étasuniennes, de la politique parisienne, tout comme de la Berne fédérale. Si le long-métrage peut amener de l’eau au moulin des pourvoyeurs d’un cliché du cinéma suisse dont Unrueh serait le parangon – bavard, plutôt lent, parfois trop didactique – Schäublin se rattrape par la douceur ouatée de ses images et l’originalité de ses cadres. Le casting non-professionnel, bien qu’inégal, insuffle une fraicheur étonnante au long-métrage et la beauté de la reconstitution le rend définitivement crédible. Et malgré le côté aérien d’Unrueh, il n’en porte pas moins un message politique qui égratigne le capitalisme et tendrait à prouver qu’un autre ordre serait possible. Remarqué à l’internationale, notamment à la Berlinale, le film était présenté en première suisse au GIFF avant d’être projeté dans les salles romandes dès le 30 novembre 2022.
Kilian Junker,cineman