La lune s'est levée
Au Japon, au milieu du siècle passé. Quinquagénaire, Mokichi partage sa modeste demeure avec ses trois filles. Chirizu, l'aînée, a été contrainte de revenir après le décès soudain de son époux. Ayako, sa cadette, refuse de voir la réalité en face : le temps est venu pour elle de se marier. La troisième, Setsuko, possède un caractère des plus extrovertis, contrairement à ses soeurs. La benjamine se voit d'ailleurs bien au bras de Shoji, le frère du défunt mari de Chirizu. Un ami de ce dernier, Amamiya, se présente à son domicile lors d'une visite chez celui qu'elle convoite. Il lui dévoile avec émotion son passé commun avec Ayako...
La famille, le mariage, les relations parents-enfant. Autant de thèmes chers à Yasujiro Ozu qu’il n’est pas étonnant de retrouver dans le deuxième film de Kinuyo Tanaka puisqu’il en est le scénariste avec Ryôsuke Saitô. La Lune s’est levée est une comédie de mœurs, parfois proche du marivaudage, qui en dit long sur la société japonaise de l’après guerre, dont l’évolution ne se fera pas sans les femmes.
Un père, ses trois filles et leurs servantes. Ce qui frappe d’emblée, ce sont les cadres rigoureux dans lesquels la réalisatrice fait évoluer ses personnages. Des plans extrêmement composés de la maison familiale, jouant avec la profondeur de champ pour indiquer à la fois l’intimité et son absence. C’est dans ce contexte traditionnel, gouverné par la douce autorité du père, que surgit la modernité sous les traits de la fille cadette, Setsuko. Vêtue à l’occidentale, elle insuffle à la maison et au film un mouvement que seul la jeunesse peut incarner. (...)
Chez Tanaka, les amours sont toujours contrariées. La faute a une pureté perdue en chemin, dans les méandres de l’Histoire ou ici, dans le labyrinthe des sentiments. Les femmes ne sont jamais modèles, mais vivantes, pleines d’une complexité qui les éloignent de toute caricature.
D’une très grande élégance, La lune s’est levée est un film qui cache, derrière son manège sentimental, une observation sociologique aiguë. Pour comprendre à la fois son ancrage et son universalisme, sa légèreté et sa rigueur, il faudrait imaginer un scénario d’Emmanuel Mouret tourné par Ozu et interprété par Audrey Hepburn.
François-Xavier Thuaud, le Bleu du Miroir