La Hora de los hornos
«Notre film est un film d'agitation et de propagande. C'est encore plus: un film d'action, un film-acto», a dit Fernando Solanas à propos de l'œuvre clé du nouveau cinéma latino-américain. Réalisé dans la seconde moitié des années soixante, La hora de los hornos est clairement un film destiné à un public averti et engagé. Dans une véritable orgie de montages de sons, d'images et de textes, les auteurs compilent des images qui ont façonné et déterminé l'histoire et la vie sur le continent latino-américain. L'attitude est clairement et sans équivoque celle d'un éclairage politique: «Le film n'est pas encore terminé, si l'on considère qu'un film historique actuel ne peut pas avoir de fin. Il ne se terminera que lorsque nous aurons le pouvoir, lorsque la révolution aura eu lieu», a dit Solanas à l'époque. Entre-temps, au moins deux choses sont claires: le processus décrit et dénoncé dans le film se poursuit avec l'évolution de la géographie. Et Solanas lui-même a repris en 2001 le travail de l'époque et réalisés deux suites, Memoria del saqueo et La dignidad de los nadies. La hora de los hornos fascine aujourd'hui encore comme document contemporain et par sa force.
Ignoré radicalement par une partie de la presse, porté aux nues sans la moindre discrimination par d'autres, l'Heure des brasiers marque l'avènement d'un cinéma proprement politique bien différent de tout ce que nous connaissions à ce jour. C'est un peu la fonction du cinéma en tant que mode d'expression qui est remise en question, à charge au spectateur et au critique, si les deux rôles peuvent désormais être séparés, de se définir par rapport à l'œuvre qu'on leur propose.
Le titre, repris plus que symboliquement d'une citation de José Marti placée en exergue de la célèbre adresse de Che Guevara à la Tri-continentale (" Créer deux, trois... de nombreux Vietnams, voilà le mot d'ordre ! "), est à lui seul un programme. " C'est l'heure des brasiers, et il ne faut voir que la lumière ", écrivait José Marti, et Fernando Solanas, l'auteur du film, n'a fait qu'illustrer par tous les moyens à sa disposition la nécessité pour l'Amérique latine de cet embrasement généralisé, seul capable de fonder une nouvelle réalité révolutionnaire.
Pendant près de quatre heures, dans la version actuelle, en trois parties distinctes, Solanas et son collaborateur au scénario et à la prise de son, Octavio Getino, analysent les motifs, historiques, géographiques, économiques, de la révolution imminente, le pourquoi et le comment de l'action inévitable. Le sous-titre du film, " Notes et témoignages sur le néo-colonialisme, la violence et la libération ", trace le plan général de l'œuvre. (...)
Louis Marcorelles, Le Monde