There Will Be Blood
Alors que la voiture commence à peine à se développer en Amérique, Daniel Plainview tente de faire fortune en installant des puits de pétrole à travers le pays. Toujours à l'affût de la moindre occasion de s'enrichir, il apprend que le sous-sol de Little Boston, petite commune de Californie, regorge d'or noir. Plainview s'y rend avec son fils. Se faisant passer pour un chasseur pour éviter toute spéculation, il parvient à convaincre le vieil Abel Sunday de lui vendre une importante parcelle de terrain, présentée comme giboyeuse. Dès lors, Plainview prospecte sur sa nouvelle propriété, acquise à moindre coût. Mais la population locale s'offusque de voir ainsi les richesses de Little Boston exploitées par un étranger. Eli Sunday, le pasteur, prend la tête de la contestation...
Durant de longues minutes, il n’y a pas de dialogue. Rien que des bruits : de pelles, de pioches qui creusent le sol à la recherche de l’or. Puis de l’or noir. Bruits, souffles, ahanements. Stridences, aussi, qui composent l’une des plus belles musiques de l’œuvre de Paul Thomas Anderson — signée Jonny Greenwood, de Radiohead… Le film, magistral, est une fresque intimiste. Un duel où s’affrontent deux Julien Sorel américains, face à leurs « Rouge et Noir » à eux : l’or et la foi. D’un côté, Daniel Day-Lewis en self-made-man à l’ambition forcenée et à la paranoïa insidieuse. De l’autre, un être pâle, malingre, effacé (Paul Dano), qui, pour la gloire de Dieu, s’empare de l’âme de ses ouailles à coups de sermons et d’exorcismes. Entre capitalisme et Église, c’est une lutte à mort. Entre ces deux fous, la violence circule comme le sang dans les veines. Pour ce film, le cinéaste américain avait changé de style. Les plans-séquences façon Ophuls de Boogie Nights ont cédé la place à des travellings secs, qui évoquent plutôt le Stroheim des Rapaces. Intense, rageur, magnifique…
Pierre Murat, Télérama