La Prisonnière du désert
Après avoir combattu aux côtés des Sudistes, Ethan Edwards revient au pays. Juste après son retour, la famille de son frère est attaquée par les Comanches. Tous périssent, à l'exception de la petite Debbie, la nièce d'Ethan, et de la jeune Lucy, enlevées par les Indiens. Ethan jure de les retrouver...
Sombre histoire en effet que celle de ce rejeté de la Guerre de Sécession qui poursuit solitairement son impossible quête d'un idéal que lui-même sait inaccessible. Son double amour pour la femme de son frère et pour le camp sudiste est marqué d'un double interdit, celui de la morale et celui de I'histoire. II le sait. II ne peut l'assumer. Alors, c'est l'errance au fil des lieux et des saisons, pendant dix ans, à la recherche une petite fille kidnappée par les Comanches, trajet admirablement photographié en couleurs par le grand Winton C. Hoch, dans la variété des paysages de neige, de montagne et de désert. Ainsi Nathan Edwards, ainsi s'appelle John Wayne, a un but, même si il en connaît toute I'inanité puisqu'il sait bien, qu'après dix ans la fillette n'aura plus rien d'une blanche et aura adopté les mœurs, la culture et la langue indienne. Film qui avance lentement donc, au rythme de l'obstination et du temps qui passe, mais aussi récit miné par toute une réflexion sur I'engagement, sur le destin et sur les rapports de I'être à I'histoire. C'est certainement un des Ford les plus secrets. Plus que pour d 'autres la connaissance du reste de I'œuvre et I'apport de la psychanalyse à la construction de la mise en scène aident à en percer les beautés les plus intimes. Mais, une fois I'œuvre saisie dans sa totalité, c'est probablement aussi I'un des plus admirables films que Ford ait jamais fait, donc un des grands films du cinéma tout court.
Jean Roy, L'Humanité