Alain-Michel Jourdat, Il était une fois le cinéma
Avant de t'aimer
Une jeune fille est arrêtée à la suite d'un vol de bébé. Dans sa cellule, elle évoque son passé…
« Avec émotion et pudeur, ce film sur une fille-mère sort les rôles féminins de l’habituel romanesque hollywoodien. »
(…) Il fut une époque fort heureusement révolue où les femmes étaient mises au ban de la société pour avoir enfanté hors mariage. Not wanted se focalise sur ce regard d’ostracisme porté par la société américaine puritaine d’après-guerre sur ces filles-mères aux vies sacrifiées. Ce passé refoulé est désormais battu en brèche par la procréation médicalement assistée et les avancées féministes. Néanmoins, les traces sont toujours vives du combat que ces femmes abandonnées durent mener pour élever seules leur enfant où le confier, de guerre lasse et en désespoir de cause, à l’adoption. Not wanted est une œuvre probatoire pour Ida Lupino. Elle co-écrit, co-produit et co-réalise le film ; succédant au réalisateur Elmer Clifton, pris d’un malaise cardiaque au cours du tournage et qui décédera peu après sa sortie. De lui on sait relativement peu de choses sinon qu’il eut une carrière prolixe, d’abord en tant qu’acteur, puis en tant que réalisateur après avoir été un temps l’assistant de D.W.Griffith. (…) Dans Not wanted, Ida Lupino se penche, comme au chevet d’une société aliénée, sur le parcours en dépression de Sally depuis ses foucades d’adolescente jusqu’à ses désillusionnements d’adulte immature aux prises avec l’adversité. C’est un monde de «losers» que dépeint avec fascination Ida Lupino en explorant la relation ténue entre expérience et innocence, désir et déception, idéalisme et cynisme. Le film noir et son esthétique caractéristique entre en empathie avec les laissés-pour-compte engagés dans l’ âpre combat que la société leur impose. Dans l’Amérique de Lupino, les portraits de la jeunesse sont sombres et désenchantés. Partageant un indéniable air de famille avec son fils Sean, l’acteur Leo Penn incarne un anti-héros désabusé dans cette figure de pianiste fantasque qui peine à masquer ses projets velléitaires derrière des riffs impérieux et une contrariété affectée qui n’est que le symptôme de son impossibilité d’aller de l’avant. Entraîné dans une lente désagrégation, il intègre son échec à se fixer comme une maladie qu’il porte en lui. Le futur de Steve le révèle épuisé et au bout du rouleau comme si il avait brûlé tous ses vaisseaux dans sa musique qui hante confusément les rêves de Sally dans un martèlement sourd. (…)