The Brink's Job

De William Friedkin
Etats-Unis - 1978 - vost - 103' - Couleurs - 35mm
Synopsis

Tony Pino, une petite frappe de Boston, découvre une faille dans le système de sécurité d’une grande société de transport de fonds et met en place le casse du siècle avec ses amis malfrats… Inspiré d’un hold-up mythique survenu dans les années 1950, ce film n’était pas destiné à devenir une comédie jusqu’à ce que Friedkin rencontre les véritables auteurs du braquage, une bande d’escrocs aussi hauts en couleur que dépourvus d’envergure. «Les braqueurs ne sont jamais la cible de l’ironie du réalisateur, qui prend un véritable plaisir à créer une bande maladroite, mais dans laquelle chacun (…) trouvera de quoi se tailler un modèle. Friedkin subvertit avec douceur et bienveillance le rêve américain, fait de ses gentils crétins voleurs des héros philosophes, voire moraux»
Vincent Avenel, www.critikat.com

Critique

Têtes vides cherchent coffre plein. Derrière cette traduction ridicule se cache une comédie pétillante inspirée du hold-up de la compagnie de transport de fonds "Brink’s". Un casse mythique qui marqua de nombreux esprits lors de cette année 1950.
Si le vol du siècle avait rapporté gros à ses protagonistes, il pouvait, selon Dino De Laurentiis, ramener encore un bon paquet de dollars à qui le transposerait sur grand écran. Le producteur pensa donc en confier la réalisation à John Frankenheimer, mais l’humour n’étant pas la tasse de thé de ce dernier, il préféra se tourner vers une autre forte tête : William Friedkin. Celui-ci était devenu célèbre en réalisant coup sur coup deux des plus grands succès commerciaux de l’histoire du cinéma : The French Connection et The Exorcist. Mais la chance semblait l’avoir abandonné. Friedkin sortait d’un échec cuisant au box-office. Son Sorcerer, adaptation malheureuse du roman de Georges Arnaud, Le Salaire de la peur, fut un fiasco et obligea Friedkin à retrouver d’urgence la confiance des executives d’Hollywood. C’est donc tout naturellement qu’il accepta de tourner un film plus léger : The Brink’s Job. Le rêve de De Laurentiis se matérialise en 1977, quand Noel Behn se lança dans l’écriture de son roman Big Stick-Up at Brink’s.
Friedkin connaissait bien évidemment l’histoire de ce hold-up ; durant sa jeunesse, l’exploit avait fait les gros titres des journaux. Mais, bien qu’il fut intéressé, Friedkin ne savait pas par quel bout aborder cette histoire. Devait-il en faire un film de gangsters ? Un film noir ? Tout devint limpide quand Noel Behn l’invita à Boston pour le rencontrer en chair, en os et, tout en fantaisie, les survivants du hold-up. Friedkin fut désarçonné ; il n’était pas question de génies du crime, mais bien d’une bande de clowns ! Comment des types pareils avaient-ils pu réaliser pareil coup de maître ? Friedkin avoua par la suite avoir eu l’impression de côtoyer tout à la fois les frères jumeaux de Woody Allen, Jacques Tati, Lou Costello ou encore Laurel et Hardy. Si Friedkin s’en tenait dès lors aux faits réels, il n’y avait plus aucune alternative et le ton du film s’imposa comme une évidence, il devait adopter une légèreté proche de la comédie. « C’est donc par le jeu des circonstances que The Brink’s Job est devenu une comédie de la méprise » déclara Friedkin. Une méprise qui devait énormément à l’incompétence du FBI, alors chargé de l’affaire. Sous la houlette de J. Edgar Hoover, l’agence gouvernementale allait mener une des enquêtes les plus coûteuses de son existence. Sur les quelque 2 millions de $ dérobés lors de ce hold-up, les agents fédéraux ne purent en récupérer que 50.000 tout en dépensant près de 29 millions $ pour alpaguer les responsables du vol du siècle ! Le nerf de The Brink’s Job vient d’un paradoxe : montrer comment de petites frappes sans envergure purent déjouer une institution comme le FBI. Comme les premiers scenarii ne plurent pas à Friedkin, il se tourna alors vers Walon Green, scénariste de Sorcerer et surtout de The Wild Bunch de Sam Peckinpah, afin qu’il s’attaque à une nouvelle version. Celle-ci s’inspira du I Soliti ignoti (Le Pigeon) de Mario Monticelli, un des films préférés de Friedkin, qui eut une influence primordiale sur son travail.
(…) Pour l’anecdote, afin de cerner au mieux son propos, Friedkin s’était adjoint les conseils techniques d’Eddie Colombani, un perceur de coffres hors pair. Malheureusement, la réalité rejoignant parfois la fiction, Eddie et deux autres malfrats braquèrent Bud Smith, monteur du film, afin de dérober sa copie de travail et de demander une rançon de 300.000 $ aux producteurs. Aussi habiles que l’équipe de la Brink’s, les trois hommes ne se sont jamais rendus compte que l’original trônait en sécurité dans un coffre au laboratoire de développement !
Film modeste, The Brink’s Job représente pourtant un des films les plus aboutis de William Friedkin, un de ses mieux maîtrisés dans le propos et dans la forme. Si le réalisateur a souvent souffert de l’incompréhension du public, la transparence du message et la réalisation toute en sobriété de The Brink’s Job lui ont permis de faire mouche, aidé il est vrai par un scénario en béton et des comédiens de talent comme le binôme "cassavetien" Peter Falk - Gena Rowlands, Paul Sorvino ou encore l’excellent Peter Boyle. (…)

Dave Garver

Projeté dans le cadre de

Du 19 Août 2020 au 8 Septembre 2020
Long Live Friedkin!