Canción sin nombre
Pérou, au plus fort de la crise politique des années 80. Georgina attend son premier enfant. Sans ressources, elle répond à l’annonce d’une clinique qui propose des soins gratuits aux femmes enceintes. Mais après l’accouchement, on refuse de lui dire où est son bébé. Décidée à retrouver sa fille, elle sollicite l’aide du journaliste Pedro Campos qui accepte de mener l’enquête... Ce premier film d'une jeune réalisatrice péruvienne relate l'une des pages les plus sombres de l'histoire de son pays. Un drame intense, à la fois intime et politique, au noir et blanc sublime. Un bijou sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs 2019.
À Lima, une jeune mère dont le bébé a été volé reçoit l’aide d’un journaliste: Georgina, très pauvre, et Pedro, homosexuel, sont des exclus dans une société où la sauvagerie est en embuscade. Pour raconter le Pérou miné, à la fin des années 1980, par la crise économique, la corruption et le terrorisme, la réalisatrice choisit la délicatesse. Dans un noir et blanc superbe, elle cisèle des plans qui opposent au chaos une beauté menacée. Car les personnages semblent prêts à se briser. Leur lutte pour la vérité et la justice est noble mais incertaine : la vulnérabilité des opprimés est l’âme de ce film gracile et retenu, profondément touchant.
Frédéric Strauss, Télérama
Granuleux, sourd, Canción sin nombre est un film d’une âpre beauté, par son noir et blanc puissant. Sa photographie oscille entre précision absolue, notamment dans les plongées et contre-plongées architecturales, et le flou nébuleux, proche de la brume liménienne. (...) Passé les premières images d’archives citant les faits à l’origine du film, la scène inaugurale, en slow motion, nous plonge dans un moment de danse des « tijeras » (ciseaux), qui est une ancienne danse traditionnelle. Superbe, cette ouverture nous invite dans un monde andin aux coutumes intactes : coca, prières à la montagne, orchestre et chant nous permettent de nous approcher de Georgina et de Leo. Peu après, le ton change, les deux jeunes gens sont filmés en à-pic, dans un plan moyen qui saisit un rien, un geste de tendresse, une oreille effleurée, l’éveil matinal d’un couple dans sa maisonnette. À ce stade, déjà, le film a montré une grande élégance dans sa mise en scène : il a convoqué deux intimités, l’une fervente, collective, l’autre privée. Il conservera cette beauté formelle, cette exigence, dans chaque composition. (...)
Fanny Vaury, À voir à lire
(...) La façon dont le film dresse le portrait, en noir et blanc et compositions léchées, d’un État inégalitaire à travers la figure d’une jeune femme exploitée et mutique rappelle évidemment le Roma (2018) d’Alfonso Cuarón (avec lequel il partage aussi une scène d’accouchement). (...) La dialectique que le film instaure entre des plans larges sublimes, où les corps des personnages se perdent dans l’immensité, et des cadrages serrés sur les visages et leur douleur donne à ce premier film une puissance formelle rare.
Bruno Deruisseau, Les Inrockuptibles