The Party
Janet vient d’être nommée ministre de la santé, l’aboutissement de toute une carrière. Elle réunit avec son époux Bill quelques amis proches. Mais la fête prend un tournant inattendu... Filmé dans un noir et blanc sublime, ce huis clos nous raconte une fête de famille qui dégénère. Jubilatoire, drôle, explosif.
C’est court, c’est vif, c’est irrévérencieux, c’est anglais. Dans son bel appartement, Janet (Kristin Scott Thomas) s’affaire pour la petite fête entre amis censée célébrer le plus beau jour de sa vie. Elle vient d’être nommée ministre de la Santé et les appels de félicitations pleuvent, dont celui d’un homme visiblement épris. Pas très loin, Bill (Timothy Spall), mari aux yeux de cocker hébété, s’alcoolise en écoutant, sur son vieux pick-up, du rock et du jazz de son adolescence. Surviennent April (Patricia Clarkson), la meilleure amie de Janet, flanquée d’un ami, « coach de vie » allemand ; deux lesbiennes, dont la plus jeune attend des triplés ; et un beau jeune homme hystérique, le nez dans la coke, armé d’un revolver… Comme chez le Joseph L. Mankiewicz de Chaînes conjugales, une ombre brille par son absence, une femme que chacun va évoquer, mais que le spectateur ne verra jamais, une merveille que son jeune mari veut retenir à toute force et son vieil amant garder à tout prix : Marianne la magnifique, Marianne l’ensorceleuse…
De Mankiewicz, Sally Potter retient aussi la force dévastatrice du propos : l’Angleterre travailliste « pré-Brexit » est férocement caricaturée. Et la suavité venimeuse des dialogues révèle, en quelques traits, ce que chaque personnage souhaite soigneusement cacher. Ce jeu de massacre est filmé au plus près des visages que le noir et blanc presque expressionniste rend quasi fantomatiques. C’est lorsqu’ils échappent aux contraintes de leur classe sociale, lorsque la fureur les emporte, que ces zombies reprennent vie, avec leurs angoisses, leurs désillusions et leurs ressentiments…
Pierre Murat, Télérama