Working Woman
Orna travaille dur afin de subvenir aux besoins de sa famille. Brillante, elle est rapidement promue par son patron, un grand chef d'entreprise. Les sollicitations de ce dernier deviennent de plus en plus intrusives et déplacées. Orna prend sur elle et garde le silence pour ne pas inquiéter son mari. Jusqu'au jour où…
Tout se passe insidieusement, sans drame ni cris. Un baiser volé suivi de plates excuses, une remarque sur une coupe de cheveux, des coups de fil le soir… Ce harcèlement diffus, si proche de la maladresse qu’il suscite d’abord l’indulgence, Orna le subit de la part du chef d’entreprise qui vient de la recruter. Elle est mère de famille et doit seconder son mari, qui peine à faire décoller son restaurant. Le patron d’Orna est conscient de son pouvoir, manipulateur et peu habitué à ce qu’on lui dise non, mais il est aussi compétent et généreux — « Il me donne une chance », résume-t-elle. C’est ce « aussi » qui la pousse à s’accrocher à un travail pour lequel elle se révèle douée. Elle vend des appartements avec vue sur mer aux riches juifs de la diaspora, désireux de finir leurs jours en Israël. Dans ce pays où tout est à vendre, même les espaces naturels, Orna résiste tant bien que mal à son chef, au risque de déclassement.
Tournées en peu de plans, les scènes s’étirent assez pour faire affleurer le malaise, ce moment de bascule où la lourdeur confine à l’insistance. C’est une façon de parler à l’autre d’un peu trop près, la fixité d’un regard qui déshabille ou le poids d’une main dans le dos. Venue du documentaire, Michal Aviad déconstruit parfaitement le sentiment de puissance du patron, et l’empêchement d’Orna, coincée entre sa répulsion intime et sa précarité sociale. Elle montre la complexité de cette relation toxique où le bienfaiteur d’un jour est aussi, parfois, le bourreau de la veille. La tension ne faiblit pas et les personnages évoluent subtilement, notamment Orna qui, in fine, refuse de jouer les victimes de service. Quitte à user des stratégies de son prédateur pour renverser le rapport de force.
Mathilde Blottière, Télérama