Miracle à Milan
À peine sorti de l'orphelinat, Totò rejoint les clochards d'un bidonville, qu'il essaie d'aménager au mieux, dans la bonne humeur. Mais un homme d'affaires, ayant découvert du pétrole sur leur terrain, les menace d'expulsion.
Juste après Le Voleur de bicyclette, premier jalon du néoréalisme, De Sica et son comparse Zavattini décident d’en contourner les règles en racontant un conte de fées du XXe siècle. Mêlant onirisme et réalité, ils livrent une œuvre fantastique et grotesque, imprégnée de critique sociale, pour mieux faire ressortir l’écrasante vérité du quotidien : le chômage et la misère, la faim et le froid.
Un matin, Lolotta, une vieille femme, va dans son jardin... et trouve un bébé dans un chou ! Elle l'élève à l'écart du monde, selon ses principes de bonté et de fraternité. Lorsqu'elle meurt, le jeune Toto est confié à une institution. Lorsqu'il en sort, à sa majorité, il découvre Milan et s'émerveille de tout... mais se fait aussitôt dérober sa valise. En suivant le voleur, il tombe dans un bidonville qu'il va révolutionner. Jusqu'à accomplir des miracles. Le tandem Vittorio De Sica (réalisateur) et Cesare Zavattini (scénariste) a donné plusieurs chefs-d'oeuvre néoréalistes, dont l'emblématique Voleur de bicyclette (1948). De peur de répéter une formule, ils ont appliqué leurs préceptes au genre de la fable. Miracle à Milan adapte donc un roman très personnel de Zavattini, Toto le Bon, où le surnaturel est omniprésent. Le résultat est d'une grande poésie. Mais la virulence politique ne cède jamais de terrain. Les effets spéciaux ne dénaturent pas l'amère réalité : ils nous rendent plus sensible la vie douloureuse des pauvres. Les gags jouent avec la misère, mais ne s'en moquent jamais. Seuls sont épinglés les travers humains. Le bidonville devient une cour des Miracles où la bonté n'est jamais mièvre. Dans tous les sens du terme, un film merveilleux.
Philippe Piazzo, Télérama