Un havre de paix
Ils sont trois frères, et ils se retrouvent dans ce kibboutz hors du temps, presque évidé de sa population, où les quelques survivants vivent d’une étrange façon. Ces trois frères se retrouvent dans leur village d’enfance, à l’occasion de l’enterrement de leur père, que des étudiants en médecine ont savamment désarticulé.(...) Ce havre de paix apparent devient une sorte de caisse de résonance d’un conflit terrible, où les fils meurent ou alors, s’ils ne succombent pas au front, reviennent, la tête chargée des pires atrocités.
(...) Le récit ne donne aucune clé politique ou sociale sur les raisons qui conduisent les jeunes gens à prendre les armes et à partir se battre au Liban. A la limite, cette question est tout à fait hors sujet. Yona Rozenkier, cinéaste et comédien à la fois, dénonce toutes les formes de guerre, dont la première, la plus évidente est celle qui oppose ces trois frères, incapables de se comprendre, de s’écouter, tant le poids du père décédé continue de les poursuivre dans leur présent.
La mise en scène prend en permanence le parti pris de l’ellipse et du mystère. Elle refuse la démonstration. Les trois frères sont hantés par une sorte de démon, symbolisé par une grotte dans la mer où le défunt a exigé qu’on y dépose ses membres. Les explications demeurent rares, le cinéaste laissant au spectateur le soin de décoder l’abîme de souffrance qui habite ces gens. Le réalisateur assume un manière très décalée dans sa façon de regarder ces gens qui survivent dans le kibboutz, jusqu’à, pour certains, s’enfoncer tout le corps dans le sable de la plage. Il ne faut pas chercher la vraisemblance dans ces comportements. Ce havre de paix décuple la douleur des survivants qui s’adonnent à d’étranges habitudes, pour échapper à l’emprise de la peur et de la mort. Bien sûr, ce n’est pas un film gai. Mais assurément, il s’agit d’une expérience de la vie, de la douleur et de la mort que la magie du cinéma parvient à transcender.
Laurent Cambon, A voir à lire