Target

(…) Avec ce film, Penn aborde le dernier genre qu'il lui restait à explorer: l'espionnage. Sur un canevas classique, un agent de la CIA à la retraite est contraint de replonger dans son ancien enfer - si doux à l'oeil des spectateurs -, Penn nous fait part de sa nouvelle certitude. Et ce qui était annoncé dans le final de Georgia prend corps ici. Le chantre de la révolte, celui qui cherchait la lumière à travers ses héros a trouvé une dernier refuge: la famille. Mais Penn n'est pas né pour être heureux. L'amour, difficile à construire, est constamment menacé et la vie si fragile, si courte. Le film, à sa manière, illustre l'écart entre l'ancien et le nouveau Penn. (…) Target prouve que Penn reste, particulièrement dans les scènes intimistes, un fabuleux directeur d'acteurs. Personne ne peut comme lui, par le biais d'une conversation qui dégénère brusquement, ou d'un rire au premier abord incongru, nous faire ressentir notre complexité. On le sait depuis Lilith, Gene Hackman est capable de faire coexister en un personnage toute la lassitude de votre voisin de palier et l'efficacité destructrice d'un agent de la CIA. Ses bouffées de violence réprimées, lors de ses premiers affrontements verbaux avec Matt Dillon, valent à elles seules la moitié du ticket. (…) Dans le très beau Georgia, Penn, en même temps que vingt années d'Etats-Unis, revisitait tout son cinéma. Un cinéma illuminé par la vie, une vie qui bouillonne trop fort dans les veines de ses personnages principaux. Cette vie qui jaillissait de toutes parts dans ses films, Penn songe dorénavant à la retenir… (…)

Patrice Lelorain, Cinématographe N°115, 1986