Camille
Jeune photojournaliste idéaliste, Camille part en Centrafrique couvrir la guerre civile qui couve. Ce qu’elle voit là-bas changera son destin. En empruntant le prénom de son héroïne pour en faire le titre du film, Boris Lojkine montre toute l’humilité de sa démarche. Il traite avec la même dignité le destin tragique d’un pays et de ses habitants et l’histoire vraie de Camille, jeune femme qui regarde et habite le monde avec une intensité rare, et tente désespérément de rendre compte des conflits et des drames d’une Afrique noire que l’Occident préfère ignorer.
Prix du Public, Festival de Locarno 2019
Après son incursion dans la fiction avec Hope, le réalisateur Boris Lojkine va encore plus loin en imbriquant ses recherches documentaires dans une structure de fiction avec Camille, un puissant portrait de la photojournaliste française Camille Lepage, tuée en Centrafrique en 2014 à l’age de 26 ans. Tout en adoptant une structure de biopic standard qui se heurte parfois à la formule, Lojkine met en avant ses points forts en présentant une vision nuancée de l’habituel bienfaiteur européen blanc en Afrique, ouvrant le film à l’ambiguïté et la complexité. L’utilisation des photographies de Lepage permet au public de voir directement ce qu’elle a vu, amplifiant considérablement notre empathie pour elle tout en donnant un sens à son passage de la naïve enthousiaste à la professionnelle dure mais toujours empathique.
(...) Tout en rendant hommage à Lepage, le film est également une critique du cliché du Sauveur blanc en Afrique : Camille (Nina Meurisse) apprend rapidement que ses photos ne changeront rien, mais qu’elles humaniseront un conflit. Tournant en République centrafricaine avec une distribution mixte et une équipe comprenant de nombreux locaux, Lojkine s’emploie à représenter Lepage comme une femme qui s’intéresse plus aux gens qu’aux problèmes, qui s’efforce de surmonter une mentalité «nous contre eux» tout en reconnaissant que, en tant que femme blanche, elle sera toujours vue comme l’«autre» en Afrique. Le réalisateur n’essaie pas non plus d’expliquer l’insurrection au travers d’un filtre blanc ; bien qu’il débute par un bref historique nécessaire, le film montre bien que la réalité est plus complexe qu’une simple histoire d’affrontements entre musulmans d’un côté, et chrétiens de l’autre. Rafraîchissant, Camille refuse d’être un film thématique, pas plus qu’il n’est conçu pour exploiter la mort de Lepage. Il s’agit plutôt d’un hommage à une femme qui a fait de son mieux pour honorer les sujets de son objectif photographique.
(...) Dans ce qui a dû être un tournage éprouvant, Meurisse incarne Lepage exactement comme on l’imagine : amicale, naïve, engagée (...). Sa vulnérabilité est intimement liée à l’énergie qu’elle puise dans sa présence en Afrique, et l’actrice travaille facilement avec le mélange de professionnels et de non-professionnels. Lojkine travaille à nouveau avec la directrice de la photographie Elin Kirschfink, mais utilise cette fois-ci un format 1,5 pour créer un montage plus fluide entre les photos de Lepage et leur dramatisation ; le tout se révèle très concluant grâce en outre au superbe montage de Xavier Sirven qui a su insuffler au film un rythme fluide et sans faille.
Jay Weissberg, Variety