Ride
Une femme et son fils de dix ans gèrent, à leur manière, le décès du mari/père, décédé à l'usine où il travaillait, tandis que tout autour d'eux grandissent l'anticipation et la concentration dans l'attente du jour des obsèques.
L’impossibilité de faire son travail de deuil et de vivre sa douleur loin des conventions sociales sont au coeur du premier film en tant que réalisateur de Valerio Mastandrea, Ride (...). L'acteur, qui a traversé en 25 ans tout le cinéma d'auteur italien, et qui en a valorisé l'authenticité et l'empathie (la liste des réalisateurs avec lesquels il a travaillé est longue, et comprend Marco Bellocchio, Nanni Moretti, Carlo Mazzacurati, Silvio Soldini, Marco Tullio Giordana, Paolo Virzì, Ferzan Ozpetek, Francesca Archibugi, Daniele Vicari, ainsi que Daniele Gaglianone), s'exprime pour la première fois depuis l'autre côté de la caméra, comme l'a fait récemment sa collègue Valeria Golino, qui l'a choisi pour le premier rôle de son deuxième film, Euforia (présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard), et il le fait avec l'urgence qu'on lui connaît déjà en tant qu'interprète, livrant un petit film avec un grand impact émotionnel.
Ride commence un dimanche matin, par une conversation entre Carolina et son fils de 12 ans, Bruno, sur la manière dont on doit s'habiller à un enterrement. Ils sont tous les deux assis dans la cuisine d'un petit appartement à Nettuno, une petite ville du littoral romain. "Ce jogging pourrait aller : il est noir avec un peu de jaune", dit le petit garçon. Dès ce premier dialogue, on retrouve l'ironie désenchantée de Mastandrea acteur et scénariste, qui a grandi dans le quartier populaire de la Garbatella, à Rome, et dont l'adolescence difficile a déterminé sa manière de jouer. C'est de l'enterrement de son père que parle le petit garçon : à seulement 35 ans, cet ouvrier en usine est mort dans un accident de travail pendant un créneau nocturne. Mastandrea et son co-scénariste Enrico Audenino font se déployer le récit sur quelques heures seulement, mais sur trois niveaux correspondant à trois générations : celle de la femme (Chiara Martegiani), de l'enfant (Arturo Marchetti) et du vieux père de l'ouvrier décédé (Renato Carpentieri).
(...) De manière un peu rhétorique, le réalisateur témoigne d'une vraie nostalgie par rapport aux grandes luttes ouvrières contre les patrons de jadis, mais c'est l'expérience du deuil qui l'intéresse avant tout, le "droit d'aller mal" revendiqué par le personnage de Carolina. Et le film, très sobre, s'abandonne parfois à des moments de grande émotion, mais tout en retenue. C'est un excellent premier long-métrage.
Camillo di Marco, Cineuropa