Los Silencios
La jeune Nuria fuit la guerre civile en Colombie. Elle arrive à l’aube sur une île mystérieuse, au cœur de l'Amazonie. Nuria comprend peu à peu que son père, pourtant décédé dans un glissement de terrain causé par une compagnie pétrolière, se cache dans leur maison sur pilotis.
La violence et la mémoire collective de l'Amérique latine s’entrecroisent dans ce film envoûtant, teinté de réalisme magique.
Sur l’Isla de la Fantasia, l’île en effet un peu fantastique où débarque Los Silencios («les silences»), deuxième film de la cinéaste brésilienne Beatriz Seigner, on assiste à deux assemblées de village : l’assemblée des vivants et l’assemblée des morts. Le film est un passage entre les deux - ce qu’est le cinéma depuis toujours, principal relais démocratique entre deux AG dans la tourmente ; il maintient les bonnes relations. Amparo arrive sur cette petite île de l’Amazone, zone à la nationalité incertaine sur la triple frontière de la Colombie, du Brésil et du Pérou. Fuyant avec ses deux enfants, sa fille, Nuria, et Fabio le petit frère, les affrontements entre les paramilitaires colombiens et les guérilleros dont faisait partie son mari tout juste disparu, elle espère obtenir des papiers au Brésil. Mais bientôt ce père réapparaît, caché dans la maison de l’île. On met du temps, le film nous laisse le temps, se jouant de nous comme les morts se jouent des vivants, à comprendre ce qu’il se passe vraiment : à bien savoir qui est vivant et qui est mort dans cette histoire, et qui hante qui dans les larges plans-séquences dont Los Silencios se compose. Ménageant pour nous de grandes surprises, mais d’une façon presque imperceptible, progressive, profondément liée à ces lieux insulaires et limitrophes où les frontières entre les pays et entre les mondes se confondent et s’échangent, le film résonne de ses mille silences qui n’existent pas : car les mondes bruissent, sur quoi les fantômes veillent.
Luc Chessel, Libération