Carmen & Lola
Carmen a 17 ans, et elle vit dans une communauté gitane de la banlieue de Madrid. Elle sait qu’elle est destinée à se marier et élever des enfants... jusqu’au jour où elle rencontre Lola, qui rêve d’aller à l’université, et fait des graffitis d’oiseaux.
La réalisatrice, qui s’inscrit clairement dans la lignée d'un cinéma social (comme celui du Carlos Saura de Vivre vite) qui se fait rare en Espagne, et moins honnête, ouvre la dernier placard qui nécessite d'être ventilé dans ce pays en s'attaquant au sujet du lesbianisme au sein d’une communauté gitane – une culture aux croyances religieuses fermes et immuables qui n’accepte en aucune manière l’homosexualité, et encore moins l'homosexualité féminine, vue comme une maladie ou une sorte de possession diabolique. Les coutumes de cette communauté veulent en effet que la femme se marie très jeune, qu'elle ait des enfants et serve l’homme jusqu’à sa mort. La quintessence du machisme.
Ainsi, la réalisatrice (en s’appuyant sur une troupe d’acteurs non-professionnels sans expérience du métier parmi lesquels on note en particulier Moreno Borja, qui joue le père d’une des filles, Rafaela León, et surtout la toute jeune Zaira Romero,16 ans, qui joue Lola, celle des deux qui fait le premier pas et déclenche ce faisant un changement radical dans sa vie) dirige à travers ce premier long-métrage de fiction l’attention des médias sur un sujet tenu sous silence qu’il va pourtant falloir mettre sur le tapis pour que ces femmes puissent vivre leur vie amoureuse pleinement, et puissent enfin être heureuses sans se cacher et sans fuir. Echevarría a insufflé beaucoup de compréhension, de sensibilité et de courage dans ce film frais, libre, émouvant et, malgré les choses terribles qu’il raconte, porteur d’espoir, nécessaire et beau – tout comme les deux héroïnes, dont se dégage une pureté, une candeur et une intensité qui est celle de tout premier amour, quelles que soient les orientations sexuelles des intéressé(e)s.
Alfonso Rivera, Cineuropa