Compañeros - La Noche de 12 años
1973, l'Uruguay bascule en pleine dictature. Trois opposants politiques sont secrètement emprisonnés par le nouveau pouvoir militaire. Jetés dans de petites cellules, on leur interdit de parler, de voir, de manger ou de dormir. Au fur et à mesure que leurs corps et leurs esprits sont poussés aux limites du supportable, les trois otages mènent une lutte existentielle pour échapper à une terrible réalité qui les condamne à la folie.
Le film raconte les 12 années d'emprisonnement vécues par trois des figures les plus célèbres de l'Uruguay contemporaine - dont son ancien président José "Pepe" Mujica.
Que reste-t-il d’un homme lorsqu’on lui enlève tout? Coupé du monde, du temps, de tout élan, du moindre élément matériel auquel s’accrocher, il est progressivement trahi par ses propres sens. Pourtant, au fond de lui, il demeure une chose que l’on ne peut lui enlever: son imagination. Compañeros (Una noche de 12 años) est avant tout un voyage vers les ténèbres. Se basant sur des faits réels, ce film raconte l’histoire de trois personnages que l’on a dépossédés, douze ans durant, de tout ce qui les définissait en tant qu’individus. On les a soumis à une dégradation mentale et physique visant à les rendre fous et au-delà, à anéantir la résistance de leur être le plus intime. Ces hommes ont dû se réinventer à partir des vestiges de leur condition humaine, pour surmonter une des épreuves les plus effroyables que l’on puisse imaginer.L’écriture et la réalisation de ce film m’ont demandé quatre années de recherche et de documentation. Un des enjeux majeurs pour moi était qu’il ne s’agisse pas d’un film de prison, mais d’un voyage existentiel. Le projet des militaires était clair : "Puisque nous n’avons pas pu les tuer, nous allons les rendre fous." Au-delà d’une méticuleuse reconstitution historique des faits, j’ai cherché à faire ressentir sur le plan esthétique et sensoriel l’expérience de la survie à la lutte intérieure que subissaient mes personnages.Les trois acteurs, Antonio de la Torre, Chino Darín et Alfonso Tort, ont dû se soumettre à un conditionnement très rude, tant sur le plan physique - ils ont perdu chacun près de quinze kilos - que mental, pour être au plus près du supplice incarné. La mise en scène, quant à elle, se devait de nous plonger à leurs côtés dans ce combat pour la conservation de leur humanité.Ce fut un parcours sombre, mais extrêmement gratifiant. À travers ses gageures et ses complexités, l’expérience du film m’a conforté dans l’idée que même lorsque tout semble perdu, la force et la résistance de l’être humain ne doivent pas être sous-estimées.
Alvaro Brechner, scénariste & réalisateur