Une Passion
Andreas Winkelman vit seul à Fårö, retiré du monde. Un jour, Anna, une jeune veuve, lui demande de téléphoner. Andréas, qui a fait semblant de sortir, l'écoute fondre en larmes lors de sa conversation. En repartant, elle oublie son sac. Andréas le fouille avant de le lui rapporter. À cette occasion, il fait la connaissance d'un couple, Elis et Eva Vergérus, avec qui il sympathise. Un jour où son mari est absent, Eva rend visite à Andreas…
(…) De film en film, Bergman a décrit la pureté d’un amour qui se délite dans le quotidien jusqu’à ses Scènes de la vie conjugale, œuvre ultime sur ce thème. Les personnages de Bergman souffrent de la solitude mais ne parviennent pas à vivre ensemble, ils sont incapables de trouver leur place au monde. Une Passion parle du mensonge, de la tromperie, des fausses amitiés. Il parle du besoin de réel qui écorche les personnages. Ceux-ci ne cessent d’exhiber des meurtrissures, des blessures, comme pour se rattacher au monde, pour retrouver leur corps. Il ont besoin de preuves matérielles, de tester leur existence humaine, d’abandonner un temps la pensée pour la chair, le mensonge pour la vérité la plus tangible, celle du corps. Personnage emblématique du film, Anna s’affiche comme une femme qui dit la vérité, quelles qu’en soient les conséquences. Mais cette vérité qu’elle veut crue est en fait transformée, modelée, afin de parfaire son image. Ultime mensonge, elle se trompe elle-même, persuadée d’être un exemple de droiture, de justice, de bonté. Comme Bergman qui s’évertue à contredire le modèle d’un cinéma vérité brandi d’entrée de jeu, les évènements d’Une Passion sont une véritable entreprise de destruction des personnalités brandies par les différents protagonistes du film. Bergman utilise tous les artifices pour faire surgir la vérité brute du personnage. L’artifice comme vérité, un de ces paradoxes que le cinéaste aime tant creuser. (…)
Olivier Bitoun, DVD Classik