Saraband
On retrouve le couple déchiré de Scènes de la vie conjugale, trente ans après. Marianne rend visite à Johan, son ancien mari. Elle ne s'est pas annoncée. Doit-elle réveiller le vieux lion, trouvé assoupi dans son fauteuil de jardin ?
Ce Johan, c'est Bergman, bien sûr, et ce n'est pas lui. C'est aussi Josephson, immense acteur et camarade de jeu depuis six décennies. C'est encore la fusion des deux, un corps où s'engouffrent à gogo les ressentiments, les regrets, les remords. Johan est, comme jadis le docteur à la retraite des Fraises sauvages, un « vieil égocentrique fatigué, qui s'est complètement coupé du monde environnant ». Tout ce qui compose Saraband pourrait ainsi être rapporté à tel ou tel antécédent de l'oeuvre bergmanienne. Tout : cadrages, dialogues, personnages.
Ingmar Bergman se révèle tel qu'en lui-même : créateur engagé jusqu'au bout dans un bras de fer avec l'inguérissable haine de soi. L'envers de sa vie en désordre étant devenu l'endroit plus ou moins ordonné de ses films. Homme enragé dont les bras d'honneur aux bonnes moeurs continueront longtemps de défier la mort.
François Gorin, Télérama