Un été avec Monika
Dans un quartier populaire de Stockholm, un jeune coursier s’éprend d’une petite vendeuse au caractère bien trempé. Ils s’enfuient sur une île déserte pour vivre un amour qu’ils croient éternel. Mais à la fin de l’été, l’argent manque. Et le retour à la vie ordinaire est douloureux…
Idylle estivale entre un brave garçon et une allumeuse vénéneuse, ce manifeste de liberté cinématographique allait éblouir les cinéastes de la Nouvelle Vague.
Un été avec Monika marque un tournant dans l'histoire du cinéma. Un sommet de légèreté et une révélation, celle d'un langage cinématographique assoiffé d'éblouissements, ivre de liberté narrative et formelle. A l'apogée de sa carrière de metteur en scène de théâtre, Bergman profite des brefs étés suédois pour fixer au grand air la magie de l'instant. C'est la fameuse "période estivale" du maître (Vers la joie, Jeux d'été...), dont Monika est le zénith. Soleil de minuit dans les fjords, alcools, joie : la fraîcheur avec laquelle Bergman filme cette fugue estivale entre deux jeunes amoureux insouciants relègue tous les baisers d'Hollywood au rayon du carton-pâte. Monika marque la souveraineté d'un art contre toute morale. Morale puritaine, d'abord. La légèreté des mœurs et des tenues de Monika condamne le film à un classement pornographique. Cette ouvrière fugueuse, infidèle, nue en plein soleil, cette Monika qui fume comme un pompier dès le réveil, mâche du chewing-gum et se laisse peloter en minaudant, exalte un modèle d'insoumise cher au cinéma de la Nouvelle Vague.
Affirmation d'un art contre la morale cinématographique surtout, comme dans ce plan d'anthologie où la rebelle fixe longuement et effrontément l'objectif en tirant sur sa clope. Stupéfiantes secondes. La garce insoumise affirme de manière fracassante un affranchissement de toutes les conventions, morales, artistiques, dramatiques. Un plan, un langage cinéma, une femme, qui deviendront un modèle pour de jeunes cinéastes qui, tel Godard, ne pourront plus jamais filmer les femmes comme avant.
Luc Arbona, Les Inrockuptibles