L'Exorciste
Impuissante face aux crises toujours plus violentes dont souffre sa fille, une mère fait appel à un médecin, avant de se tourner vers un exorciste. Une dramatique épreuve de force s’engage alors contre le démon qui a pris possession de l’adolescente...
L’Exorciste marque un jalon dans l’histoire du film d’horreur dont il constitue une sorte de matrice. William Friedkin contribue à faire entrer l’épouvante dans une modernité définitive.
L’Exorciste marque un jalon dans l’histoire du film d’horreur dont il constitue une sorte de matrice. S’il n’a pas inventé le genre, si Rosemary’s baby avait, quelques années plus tôt, évoqué la thématique de l’enfant diabolique, le célébrissime film de William Friedkin contribue à faire entrer l’épouvante dans une modernité définitive, en ne reculant devant aucune scène spectaculaire. On pense évidemment à la séquence finale, inscrite dans la légende du cinéma, qui configure un affrontement entre une adolescente démoniaque et le père Lankester Merrin, avec une bonne dose d’effets spéciaux et les insanités rauques proférées par le démon, qui a pris possession du corps de Regan. Multi-parodiée, notamment par Scary Movie, la séquence conserve toutefois sa dimension terrifiante que surligne un formidable jeu sur les couleurs et les lumières.
A certain(e)s, toutefois, cet excipit visuellement mémorable paraîtra outrancier. Mais c’est parce que dans nos mémoires de spectateurs et de spectatrices se sont superposées d’autres œuvres effrayantes, qui ont tenté de capitaliser sur ce dénouement qui impressionna des millions de spectateurs. Oui, un grand nombre de tâcherons du film d’horreur ont dupliqué cet affrontement à leur façon, s’accommodant d’une forme de surenchère, pour tenter de surpasser L’Exorciste, altérant ainsi notre perception de l’original.
Dans leur volonté de provoquer l’angoisse à tout prix, ces médiocres productions ont oublié la structure même du film de Friedkin, qui distille l’angoisse, déplace d’abord l’action en Irak, où des fouilles archéologiques sont menées, qui impliquent le père Merrin, jusqu’à la découverte, sous forme de statuette, du démon des vents Pazuzu.
Ensuite, le récit ne quitte plus le cadre urbain dans lequel il privilégie un malaise graduellement organisé à partir de manifestations effrayantes : les paroles comminatoires de la jeune fille ("Vous allez mourir là-haut"), sa régression verbale au stade anal (les propos scatologiques abondent en période de crise), sa soudaine station en mode énurétique et bien sûr sa voix qui se déforme en une modulation de sons à la fois caverneux et éraillés. On peine à croire que les hypothèses psychiatriques valident de manière satisfaisante les couleurs purpurines d’un visage devenu hideux. Disons que le degré d’incompétence des experts décrédibilise certains passages du film. Mais enfin tout chemine vers une conclusion paroxystique, dans une atmosphère suffocante.
A sa sortie, ce premier "blockbuster" du long métrage horrifique rapporta 193 millions de dollars. Aujourd’hui encore, L’Exorciste constitue une sorte de mètre-étalon du genre, qui n’a rien perdu de son pouvoir d’attraction.
Jérémy Gallet