Amadeus
À Vienne, en novembre 1823. Au coeur de la nuit, un vieil homme égaré clame cette étonnante confession : "Pardonne, Mozart, pardonne à ton assassin !" Ce fantôme, c'est Antonio Salieri, jadis musicien réputé et compositeur officiel de la Cour.
Dès l'enfance, il s'était voué tout entier au service de Dieu, s'engageant à le célébrer par sa musique, au prix d'un incessant labeur. Pour prix de ses sacrifices innombrables, il réclamait la gloire éternelle. Son talent, reconnu par l'empereur mélomane Joseph II, valut durant quelques années à Salieri les plus hautes distinctions.
Mais, en 1781, un jeune homme arrive à Vienne, précédé d'une flatteuse réputation. Wolfgang Amadeus Mozart est devenu le plus grand compositeur du siècle. Réalisant la menace que représente pour lui ce surdoué arrogant dont il admire le profond génie, Salieri tente de l'évincer.
Dès les premiers plans du film, tout est dit, dans une scène d'exposition simple qui contraste subtilement avec l'ampleur des thèmes abordés. Le corps d'Antonio Salieri – F. Murray Abraham, extraordinaire – est transporté dans les rues enneigées de Vienne, alors que dans les salons, l’aristocratie danse et s'amuse, sur fond de Symphonie no 25 en sol mineur. Du Mozart, alors que Salieri agonise après avoir tenté de se suicider. Ultime moquerie du destin, prouvant l'éclatante supériorité artistique de son jeune rival, prodige inspiré qui fait à l’époque frissonner l’establishment. En tournant autour des thèmes de la transgression, de la jalousie dévorante et de la bêtise conformiste de la haute société, Milos Forman (disparu en avril 2018) signe une réflexion flamboyante sur la création, en particulier musicale. Un chef-d'œuvre virtuose, justement récompensé par huit Oscars.
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