L'Homme qui tua Don Quichotte
Toby, un jeune réalisateur de pub cynique et désabusé, se retrouve pris au piège des folles illusions d’un vieux cordonnier espagnol convaincu d’être Don Quichotte. Embarqué dans une folle aventure de plus en plus surréaliste, Toby se retrouve confronté aux conséquences tragiques d’un film qu’il a réalisé au temps de sa jeunesse idéaliste: ce film d’étudiant adapté de Cervantès a changé pour toujours les rêves et les espoirs de tout un petit village espagnol. Toby saura-t-il se racheter et retrouver un peu d’humanité? Don Quichotte survivra-t-il à sa folie? Ou l’amour triomphera-t-il de tout?
L’Homme qui tua Don Quichotte vibre d’une énergie, d’un plaisir de faire du cinéma communicatifs. Au fil des ans, le scénario a incorporé les péripéties qui ont entouré l’odyssée du film. Toby (Adam Driver) est un atroce réalisateur de publicités, capricieux, narcissique, qui tourne en Espagne un spot inspiré de l’attaque des moulins à vent. Il se rend bientôt compte qu’il n’est qu’à quelques kilomètres du village où il tourna son film de fin d’études, une variation sur le thème du Quichotte. Sa tentative pour retrouver cette innocence perdue le plonge dans un no man’s land entre mémoire et présent, entre scénario et quotidien, dont la figure centrale est le cordonnier auquel il confia naguère le rôle du Chevalier à la triste figure. Irradié par la fiction, l’artisan n’a jamais repris son alêne, restant coincé dans son rôle. (...)
L’invention inépuisable de Gilliam est structurée (la plupart du temps, les longues séquences finales donnent l’impression que l’auteur de Jabberwocky (1977) ne voulait pas que son film et son tournage s’arrêtent) par ce souci de mêler réalité et fantaisie jusqu’à ce qu’elles soient méconnaissables et vraies, sans trop recourir aux effets spéciaux. Pour donner chair à cette idée, le réalisateur a pu compter sur le formidable numéro qui oppose son Panza d’outre-Atlantique, moderne, arrogant, séduisant et vulnérable, à son Quichotte britannique, qui porte fièrement la tradition du paroxysme théâtral. Quand ces deux-là cessent d’enchanter ou de faire rire, on entend la complainte de Terry Gilliam qui compte les années qu’il a sacrifiées à son obsession.
Thomas Sotinel, Le Monde