Charles mort ou vif
Héritier d'une fabrique familiale d'horlogerie genevoise, Charles Dée, 50 ans, étouffe dans sa vie trop réglée. Face à un journaliste de télé venu immortaliser le centenaire de son entreprise, il se rend compte qu'il n'a plus la force de tenir son rôle dans le jeu social.
Radiographie (à charge) de la Suisse de la fin des années 1960, ce premier film d’Alain Tanner est une fable tonique et sans issue, à la fois contestataire, pince-sans-rire, pathétique, grave et joyeuse.
C'est une date dans le cinéma helvétique. Ce premier long métrage d'Alain Tanner lançait alors ce qu'on a appelé un temps le « nouveau cinéma suisse », sorte de Nouvelle Vague (dont faisaient partie Michel Soutter et Claude Goretta) pleine de fraîcheur libertaire et roborative. C'est sur les braises de Mai 68 que le film a été conçu. L'idée originale : transmettre un vent de subversion depuis l'intérieur du capitalisme, en prenant un capitaine d'industrie en rupture de ban. Un mélange de dérision (le nouvel ami du patron est un zigoto incontrôlable qui n'hésite pas à balancer la voiture de ce dernier dans le précipice) et de pessimisme rude, à l'image du froid hivernal et de la neige qui enveloppe l'action. Ebauche à bien des égards de La Salamandre, réalisé deux ans plus tard, le film permet surtout de mesurer tout le talent de François Simon, fin comédien, homme de théâtre. Le genre de grand monsieur fort discret.
Jacques Morice, Télérama