Baal
C'est la vie dénuée de sens d'un jeune poète maudit, Baal, brûlant la vie par tous les bouts et la noyant dans le schnaps, cherchant à combler un vide existentiel, il se nourrit de sexe et de poésie.
Attention, rareté ! En 1969, Volker Schlöndorff réalise pour la télévision allemande l'adaptation d'une pièce de jeunesse de Bertolt Brecht. Baal est l'histoire d'un poète provocant et pervers, inspiré autant par Villon que par Rimbaud, amateur de femmes et de schnaps, qui humilie ses mécènes et brise ses proches. Le texte est violent, d'une langue exigeante — en partie renié par le dramaturge, qui, dans les années 1950, l'a remanié pour qu'il colle davantage à ses convictions communistes.
L'unique diffusion du film en Allemagne, en janvier 1970, fait scandale. La veuve de Brecht puis ses enfants vont empêcher toute nouvelle projection pendant plus de quarante ans. Motifs ? Schlöndorff donne de Brecht une image trop anarchisante. Et la diction sauvage de l'acteur principal, un certain Rainer Werner Fassbinder, ne respecte pas le ton du théâtre épique cher à l'auteur de Mère Courage et ses enfants...
C'est pourtant l'interprétation ogresque de Fassbinder qui fait l'intérêt de ce film âpre et peu aimable. En incarnant Baal dans ses fulgurances comme dans ses exactions, le futur cinéaste de Droit du plus fort signe son autoportrait en créateur génial mais manipulateur. Plein de vitalité, mais autodestructeur...
Samuel Douhaire, Télérama