Psycho
Une employée modèle, chargée de déposer une forte somme à la banque, cède à la tentation, vole le magot et part pour le Texas rejoindre son amant. A quelques kilomètres de sa destination, épuisée, elle s'arrête dans un motel pour reprendre des forces...
Avec son Psychose conceptuel, Gus Van Sant a livré une version iconoclaste et hantée du film original : une vraie proposition de cinéma.
Pour certains cinéphiles, Psycho de Gus Van Sant est un vrai film d'horreur. Au mieux, l'inéluctable mauvais remake du Psychose d'Hitchcock. Au pire, un scandale minable de l'industrie hollywoodienne. Dans tous les cas, une idée insoutenable : comme si quelque chose était à refaire chez Hitchcock, comme si tout n'y était pas parfait. Comme s'il fallait prendre à la lettre le discours vendu aux majors américaines selon lequel le film de Gus Van Sant permettrait aux teenagers de découvrir un chef-d'oeuvre qu'ils ne peuvent plus voir aujourd'hui, pour cause de noir et blanc.
L'idée de Gus Van Sant est infiniment plus élevée et plus violente. Une vraie proposition de cinéma, un pur concept : refaire Hitchcock au cinéma, refaire un de ses films, Psychose, scène après scène, au dialogue près, plan par plan. Un geste artistique donc, salué comme tel par les Cahiers du cinéma au moment de sa sortie. Quelques écarts s'immiscent entre les deux versions : la couleur, l'homosexualité, accentuée dans le jeu des acteurs masculins moulés dans leurs jeans et roulant du cul. Un plan-séquence aérien que n'avait pas pu réaliser Hitchcock. Quelques images subliminales psychiques. Des différences infimes et essentielles à la fois, indices d'un écart qui aurait pu être énorme. Car Gus Van Sant ne dévie pas, il s'en tient à sa stratégie du remake, de la copie.
Une fois auguré le geste, le film se déroule presque sans heurt à l'égard de son modèle. Flirtant avec Hitchcock et son cinéma, ce film iconoclaste s'avère d'une infinie douceur. Gus Van Sant refait Hitchcock, mais jamais il ne cherche à l'effacer ; simplement il nous laisse dans un état latent, pris entre le modèle et la copie, Anthony Perkins apparaissant sans cesse, comme en surimpression, dans les jeux de son acteur-remake, Vince Vaughn.
Un film hanté donc, où chacun vient jouer sur une scène mythique, où un film entier se projette dans un autre, archétypal, présent par éclats seulement dans nos mémoires de cinéma. Une drôle de commémoration.
Jean-Max Colard, Les Inrockuptibles