Vous utilisez, pour parler de ce film, l’expression "réalité recréée", et il est vrai qu’on voit tout de suite que Mirko n’est pas un simple acteur, lui dont l’histoire a inspiré tout le film.
Mirko m’a toujours évoqué l’expression américaine "bigger than life", plus grand que la vie. Il y a des individus dans notre société qui deviennent des archétypes, qui transcendent leur petite histoire, leur biographie. Nous nous sommes rencontrés quand j’ai fait Nati per correre, mon court-métrage de fin d’études au Centre expérimental du cinéma de Rome, il y a cinq ans. Pour les auditions, j’avais demandé aux jeunes candidats d’amener avec eux des figures paternelles, et Alessandro Borghi est arrivé avec Mirko. Entre eux, on sentait l’alchimie, c’était au-delà de ce que j’avais imaginé en écrivant mon scénario. À partir de là, nous avons entrepris un parcours de partage artistique. Mon court-métrage Una Storia Normale était un documentaire créatif fait d’interviews, mais c’est de là qu’est sorti le scénario d’Il più grande sogno, et le fait d’obtenir le Prix Solinas Experimenta a été une confirmation : nous tenions quelque chose de beau. Et puis une équipe s’est constituée : avec ma co-scénariste Anita Otto, mon chef-opérateur Matteo Vieille et mon chef-décorateur Lupo Marziale, et avec l’assistant producteur Giovanni Pompili, nous avons vécu pendant six mois dans le quartier de Mirko.
De ce parcours est né votre premier long-métrage...
Je voulais que mon premier film représente une expérience existentielle, une vérité différente des représentations cinématographiques habituelles de la banlieue romaine de ces 15 dernières années. Quand j’allais voir Mirko dans son univers, je riais tellement que je ne voyais pas ce mal auquel les films donnaient une dimension épique. Les interviews où Mirko se raconte se sont mises à suivre notre dramaturgie, à Anita et moi, avec des personnages inventés et un thème précis : la responsabilité dans le contexte social et familial. Nous avons travaillé avec ce canevas, pour que Mirko se retrouve dans des situations fictionnelles, mais dans un contexte réel.
N’avez-vous pas craint que le projet vous échappe ?
J’aime les premiers films où l’auteur se met à nu et montre ce qu’il sait faire, sans chef-opérateur oscarisé pour faire le fllm à sa place, sans monteur avisé pour tout remettre dans l’ordre. Un film, c’est un acte de foi tourné vers le futur, ce n'est pas nécessaire de truquer les cartes.
Comment décririez-vous l’aspect production du film ?
Ma collaboration avec Giovanni Pompili a commencé avec Una storia normale. Suite à cette expérience commune, je savais que j’avais trouvé une personne avec une perspective souvent très différente de la mienne, mais avec des goûts similaires. La manière dont la production se fait influe sur la mise en scène, et j’aimais bien l’idée de travailler avec quelqu’un dont c’était aussi le premier long. Il aurait voulu obtenir d’abord des financements pour le développement du film, mais cette méthode aurait émoussé les promesses qui étaient vives à ce moment précis, alors j’ai insisté pour qu’on tourne l’été dernier et, courageusement, il a lancé la recherche de fonds pendant la production. C’était un saut dans la vide, mais nous voilà maintenant dans les salles !
Propos recueillis par Camillo De Marco (traduit de l'italien), Cineuropa